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28 juin 2011

TF, 28 juin 2011, 4A_178/2011 (d) (mes. prov.)

ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso » ; motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, signe tridimensionnel, capsule, café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, Lego, expertise, expertise sommaire, preuve, mesures provisionnelles, procédure sommaire, décision incidente, arbitraire, droit d’être entendu, droit des brevets d’invention ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. b LPM, art. 254 CPC.

En vertu de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF, le recours au TF contre des décisions incidentes n'est ouvert que si elles peuvent causer un préjudice de nature juridique difficilement réparable que même un jugement en faveur du recourant ne pourrait supprimer par la suite. Le recourant qui s'élève contre une décision de mesures provisionnelles doit désormais indiquer dans la motivation de son recours en quoi il est menacé dans le cas concret par un dommage de nature juridique difficilement réparable (c. 1.1). Dans le cadre de l'examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme enregistrée comme marque, la limitation du cercle des formes alternatives possibles aux capsules de café compatibles avec les machines « Nespresso » actuellement disponibles sur le marché résiste au grief d'arbitraire, même si le TF s'est jusqu'à présent refusé (en particulier dans sa jurisprudence Lego) à admettre le caractère techniquement nécessaire d'une forme uniquement en vertu de sa compatibilité avec un autre système préexistant (c. 2.2). Selon la jurisprudence du TF, une forme est techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM lorsque à peu près aucune forme alternative n'est à disposition des concurrents pour un produit de nature (technique) correspondante ou que le recours à cette forme alternative ne peut pas être exigé d'eux dans l'intérêt du bon fonctionnement de la concurrence parce qu'elle serait moins pratique, moins solide ou que sa réalisation s'accompagnerait de coûts de production plus élevés. Le fait de demander qu'une expertise sommaire soit ordonnée pour démontrer qu'il existe des formes de capsules alternatives utilisables dans les machines « Nespresso », qui soient aussi pratiques et solides que les capsules « Nespresso » et qui ne coûtent pas plus cher à la production, ne saurait être interprété en défaveur de la partie à l'origine de la demande (c. 3.2.2). Il est inadmissible et contraire au droit d'être entendu de refuser un moyen de preuve portant sur la question controversée de la compatibilité de formes alternatives et de baser ensuite un jugement uniquement sur les allégations contestées de l'autre partie. L'autorité de première instance, qui ne dispose pas des compétences techniques nécessaires pour juger de l'importance technique de la forme conique des capsules de café, de même que de l'aptitude fonctionnelle des capsules d'une autre forme, n'aurait ainsi pas dû refuser l'expertise demandée qui était destinée à clarifier des questions techniques nécessaires à une compréhension indépendante de l'état de fait (c. 3.2.2). Lorsqu'il est nécessaire de répondre à des questions purement techniques qui sont déterminantes pour trancher le litige et que le juge ne dispose pas des connaissances professionnelles nécessaires pour le faire (que ce soit dans le domaine des brevets ou, comme en l'espèce, sur le plan de la fabrication des capsules de café), le recours à une expertise sommaire constitue un moyen de preuve admissible, même en procédure sommaire, en vertu en particulier de l'art. 254 al. 2 lit. b CPC (c. 3.2.2).

03 juillet 2012

TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 (d)

sic! 12/2012, p. 811-813, « Lego IV (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, marque tridimensionnelle, signe tridimensionnel, forme géométrique simple, Lego, forme techniquement nécessaire, coûts de fabrication, signe alternatif, expertise, fardeau de la preuve, droit d’être entendu, compatibilité, secret de fabrication ou d’affaires ; art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 9 CC, art. 2 lit. b LPM.

Le Tribunal de commerce du canton de Zurich a confirmé la nullité des marques de forme de Lego sur la base d'un examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme tridimensionnelle, au sens de l'art. 2 lit. b LPM, effectué dans le cadre d'une expertise ordonnée par ce tribunal sur demande du Tribunal fédéral qui lui avait renvoyé la cause pour qu'il soit vérifié s'il existait des formes alternatives (tant compatibles qu'incompatibles avec les formes Lego), aussi pratiques, aussi solides et dont les coûts de production ne seraient pas plus élevés que ceux des formes contestées comme marques. Le Tribunal de commerce de Zurich a fondé son jugement sur la constatation des experts que chaque variante s'éloignant des formes géométriques de Lego conduisait à des coûts d'outillage supplémentaires, plus faibles pour les formes compatibles (11 à 30 %) et plus élevés pour celles qui ne l'étaient pas (29 à 54 %). L'expertise avait permis de poser qu'au vu de la durée de vie moyenne des outillages, les surcoûts de fabrication les plus bas oscillaient entre 1,326 et 4,927 % pour les formes compatibles et se montaient jusqu'à 50 % pour celles qui ne l'étaient pas. Lorsque dans son appréciation des preuves, le tribunal retient comme établi, sur la base d'une expertise obtenue à grands frais, que toutes les formes alternatives s'accompagnent de coûts de fabrication supérieurs à ceux des briques Lego et que, par conséquent, celles-ci doivent être considérées comme techniquement nécessaires au sens de l'art. 2 lit. b LPM, le principe de la répartition du fardeau de la preuve devient sans objet. Le grief de sa prétendue violation ne saurait donc être retenu (c. 2). Une forme doit être considérée comme techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM si les autres possibilités existantes ne peuvent pas être imposées aux concurrents du déposant parce qu'elles sont moins pratiques, moins solides, ou parce qu'elles s'accompagnent de coûts de production plus élevés (c. 3.1). Comme le monopole lié à l'obtention d'une marque de forme peut être illimité dans le temps, il faut que les formes alternatives à disposition des concurrents du déposant ne s'accompagnent d'aucun désavantage pour eux. Même un coût de production légèrement plus élevé constitue déjà un désavantage qui ne peut leur être imposé, en particulier en vertu du principe de l'égalité dans la concurrence. Ainsi, des coûts de production supplémentaires de 1,326 à 4,927 % suffisent pour que le recours à des formes alternatives ne puisse être rendu obligatoire aux concurrents des briques Lego (c. 3.2). Lorsqu'elle a été invitée à le faire par le tribunal qui mène la procédure, la partie qui invoque ses secrets d'affaires pour refuser de transmettre des informations techniques à l'expert chargé de la réalisation d'une expertise dans le cadre de l'administration des preuves, ne peut se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu si les indications qu'elle donne ensuite sur ces questions dans sa détermination sur les résultats de l'administration de preuves sont considérées comme contradictoires et inacceptables par le tribunal au regard du principe de la bonne foi, et si ce dernier renonce à ordonner une nouvelle expertise demandée à ce stade seulement de la procédure sur ces mêmes questions (c. 4.3.2). [NT]

21 mai 2013

HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 (d) (mes. prov.)

sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV » ; motifs absolus d’exclusion, motifs relatifs d’exclusion, marque tridimensionnelle, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, forme géométrique simple, imposition comme marque, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, sondage, café, capsule de café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, impression générale, expertise sommaire, similarité des signes, identité des produits ou services, dilution de la force distinctive ; art. 2 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’examen du caractère éventuellement techniquement nécessaire des capsules de café Nespresso doit intervenir en se limitant à la forme des seules autres capsules qui sont compatibles avec les machines Nespresso (c. 1). Le TF a rappelé dans sa jurisprudence Lego (cf. TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 [N 661], c. 3.2) qu’au vu du caractère potentiellement illimité dans le temps de l’enregistrement d’une marque de forme, il convenait de ne l’admettre que dans la mesure où les concurrents ne s’en trouvaient pas prétérités en raison de la présence d’une forme alternative de même valeur ; et que si le coût d’une telle forme alternative était plus élevé, même faiblement, le choix d’une autre forme ne pouvait leur être imposé (c. 4). Il résulte de l’expertise sommaire diligentée par le tribunal que la forme conique des capsules est techniquement évidente mais pas absolument obligatoire pour une optimisation du système (c. 5.aa) ; que leur forme varie chaque fois en fonction du matériau dans lequel ces capsules sont réalisées et qu’enfin une forme conique n’est pas techniquement nécessaire pour réaliser un « café normal » avec une machine Nespresso mais qu’elle s’impose par contre plus ou moins naturellement suivant le type de matériau dans lequel est réalisée cette capsule (c. 5.aa). L’expert a retenu enfin que pour ressortir la capsule de la machine, la forme conique n’est pas non plus absolument nécessaire, une forme cylindrique par exemple convenant également. Les formes qui constituent la nature même du produit, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique, sont exclues de l’enregistrement comme marques. C’est le cas lorsque la fonction du produit suppose pour le public qu’une telle forme lui soit donnée (c. 10.a). Dans le cas particulier, le public attend un produit qui lui permette de préparer un café avec une machine Nespresso, soit nécessairement une capsule. Il s’agit donc de vérifier si la marque enregistrée constitue la nature même d’une capsule de café pouvant fonctionner avec une machine Nespresso, ce que le tribunal n’admet pas en l’espèce, en particulier parce que les capsules Nespresso présentent des caractéristiques particulières qui les distinguent des autres formes possibles de capsules de café (c. 10.b) (cf. fig. 11d). Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été rendu vraisemblable que la présence d’un motif absolu au sens de l’art. 2 lit. b LPM exclurait la forme des capsules de café Nespresso d’un enregistrement comme marque (c. 11). Les capsules Denner présentent une certaine similitude avec la marque de forme des capsules Nespresso en particulier du point de vue de leur construction en forme de cône tronqué simple coiffé d’un élément supplémentaire (cf. fig. 11a). Ces formes sont ainsi semblables et enregistrées pour des produits identiques. Reste donc à déterminer si la similitude des formes des capsules et l’identité des produits génèrent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. La ressemblance dans la forme des produits est une condition de l’existence d’un risque de confusion, mais n’est pas forcément suffisante. Ce qui compte, c’est de savoir si, en raison de la ressemblance des capsules Denner, il est à craindre que de mauvaises attributions surviennent qui mettraient en danger la fonction individualisatrice des capsules Nespresso. De telles mauvaises attributions dépendent de la manière dont les consommateurs perçoivent les signes, dont ils les comprennent et dont ils s’en souviennent. La simple possibilité d’une confusion ne suffit pas, il est nécessaire que le consommateur moyen confonde les marques avec une certaine vraisemblance (c. 10.c.aa). Une étude démoscopique sur la base de laquelle 56,4% des suisses attribueraient la capsule Denner qui leur est montrée à Nestlé ou la confondraient avec une capsule Nespresso ne lie pas le tribunal si elle a été réalisée à un moment où, sur le marché, la capsule Denner n’était encore presque pas présente et donc inconnue du public, alors que les capsules Nespresso y occupaient une position dominante, et que la confusion a encore été augmentée par l’indication donnée aux personnes sondées que ces capsules étaient compatibles avec les machines Nespresso (c. 12.c et 12.c.bb-cc). L’existence d’un risque de confusion ne doit pas être déterminée sur la base d’une comparaison abstraite des formes, mais doit prendre en compte l’ensemble du contexte et des circonstances de la cause (c. 13). La forme géométrique de base cylindrique et pyramidale du cône tronqué de la marque de la demanderesse, qui se retrouve aussi dans pratiquement toutes les capsules de café disponibles sur le marché suisse, n’a pas été imposée par l’usage fait des capsules, avec cette conséquence que même ses éléments non protégeables pourraient être monopolisés par le titulaire de la marque. Le titulaire d’une marque qui peut être confondue avec une forme géométrique simple de base ne peut pas exiger que, de ce fait, les autres renoncent à utiliser une forme de base qui est en plus dans le cas particulier aussi, dans certains de ses éléments, évidente du point de vue de la technique (c. 13.b). Le cône tronqué avec son raccord techniquement nécessaire ne peut ainsi pas être monopolisé pour les capsules de café et n’est pas protégé par le droit des marques (c. 13.b.aa) (cf. fig. 11c). L’élément caractéristique de la marque de forme déposée par Nestlé est le « chapeau » de la capsule (cf. fig. 4, p. 765) et c’est à lui qu’une attention particulière doit être portée dans l’examen du risque de confusion, même si ce dernier doit intervenir en fonction de la marque dans son ensemble et pas se limiter à ce seul élément. Lorsque les capsules litigieuses sont examinées obliquement depuis le haut (« von schräg oben »), l’impression qui s’en dégage ne permet pas d’admettre la vraisemblance de l’existence d’un risque de confusion (c. 13.c). Les capsules Nespresso évoquent par leur forme noble, élégante et lisse l’exclusivité d’un produit de haute qualité. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans les capsules Denner dont les trous et les étagements ne sont pas esthétiques (« mit unästhetischen Löchern und Abstufungen ») (c. 13.d.bb). [NT]

Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11d – Formes alternatives
Fig. 11d – Formes alternatives

22 mai 2014

HG ZH, 22 mai 2014, HE 140063 (d) (mes. prov.)

Concurrence déloyale, droit d’auteur, mesures provisionnelles, programme d’ordinateur, compatibilité, Windows, contrat de vente, transfert de droits d’auteur, vraisemblance, dommage, expertise, exploitation d’une prestation d’autrui, indication publicitaire inexacte, dénigrement, courrier ; art. 16 al. 1 LDA, art. 17 LDA, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. a LCD, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 5 lit. a LCD, art. 5 lit. c LCD.

La défenderesse a mis sur le marché « Princess », un logiciel concurrent du logiciel « Diamond » que diffuse la demanderesse. Dans des lettres adressées à des clients des deux parties, elle prétend que son logiciel constitue une amélioration de celui de la demanderesse, et soutient que ce dernier, jusqu’à sa version 4.9, ne fonctionne que de manière limitée avec Windows 7 et plus du tout avec les versions ultérieures du système d’exploitation. La conclusion par la demanderesse d’un contrat de vente avec une société anonyme rend à tout le moins vraisemblable que ses droits d’auteur ont été transférés à cette dernière. Elle n’expose pas, dans sa demande, sur quoi reposerait sa légitimation active, et sa demande de mesures provisionnelles doit être rejetée sur ce point (c. 7). Les captures d’écran qu’elle a fournies ne permettent pas au tribunal d’apprécier si le logiciel « Diamond » a été repris d’une manière qui pourrait constituer une violation du droit d’auteur ou l’exploitation d’une prestation d’autrui. Il s’agit d’une question technique qui doit, même dans le cadre d’une procédure de mesures provisionnelles, être soumise à un expert. Puisque la demanderesse n’a pas requis d’expertise, il faut considérer, indépendamment de la question de la titularité des droits, qu’une violation du droit d’auteur n’a pas été rendue vraisemblable (c. 8). L’affirmation de la défenderesse, dans le titre des courriers qu’elle a adressés, selon laquelle « Diamond » s’appelle dorénavant « Princess », suggère que « Princess » succède à « Diamond », ce qui est manifestement inexact. Il s’agit vraisemblablement d’un dénigrement au sens de l’art. 3 al. 1 lit. a LCD et d’une indication inexacte au sens de l’art. 3 al. 1 lit. b LCD. La simple indication d’une incompatibilité d’une ancienne version de « Diamond » avec Windows 7 et 8 est également trompeuse et dénigrante, car elle éveille l’impression fausse d’une incompatibilité générale, alors que la nouvelle version du programme est bel et bien compatible avec le système d’exploitation. Ces affirmations paraissent non seulement illicites, mais elles sont également susceptibles de causer des dommages matériels et immatériels à la demanderesse, et doivent donc être interdites à titre provisionnel (c. 8). [SR]