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  • Capsule de café

28 juin 2011

TF, 28 juin 2011, 4A_178/2011 (d) (mes. prov.)

ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso » ; motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, signe tridimensionnel, capsule, café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, Lego, expertise, expertise sommaire, preuve, mesures provisionnelles, procédure sommaire, décision incidente, arbitraire, droit d’être entendu, droit des brevets d’invention ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. b LPM, art. 254 CPC.

En vertu de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF, le recours au TF contre des décisions incidentes n'est ouvert que si elles peuvent causer un préjudice de nature juridique difficilement réparable que même un jugement en faveur du recourant ne pourrait supprimer par la suite. Le recourant qui s'élève contre une décision de mesures provisionnelles doit désormais indiquer dans la motivation de son recours en quoi il est menacé dans le cas concret par un dommage de nature juridique difficilement réparable (c. 1.1). Dans le cadre de l'examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme enregistrée comme marque, la limitation du cercle des formes alternatives possibles aux capsules de café compatibles avec les machines « Nespresso » actuellement disponibles sur le marché résiste au grief d'arbitraire, même si le TF s'est jusqu'à présent refusé (en particulier dans sa jurisprudence Lego) à admettre le caractère techniquement nécessaire d'une forme uniquement en vertu de sa compatibilité avec un autre système préexistant (c. 2.2). Selon la jurisprudence du TF, une forme est techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM lorsque à peu près aucune forme alternative n'est à disposition des concurrents pour un produit de nature (technique) correspondante ou que le recours à cette forme alternative ne peut pas être exigé d'eux dans l'intérêt du bon fonctionnement de la concurrence parce qu'elle serait moins pratique, moins solide ou que sa réalisation s'accompagnerait de coûts de production plus élevés. Le fait de demander qu'une expertise sommaire soit ordonnée pour démontrer qu'il existe des formes de capsules alternatives utilisables dans les machines « Nespresso », qui soient aussi pratiques et solides que les capsules « Nespresso » et qui ne coûtent pas plus cher à la production, ne saurait être interprété en défaveur de la partie à l'origine de la demande (c. 3.2.2). Il est inadmissible et contraire au droit d'être entendu de refuser un moyen de preuve portant sur la question controversée de la compatibilité de formes alternatives et de baser ensuite un jugement uniquement sur les allégations contestées de l'autre partie. L'autorité de première instance, qui ne dispose pas des compétences techniques nécessaires pour juger de l'importance technique de la forme conique des capsules de café, de même que de l'aptitude fonctionnelle des capsules d'une autre forme, n'aurait ainsi pas dû refuser l'expertise demandée qui était destinée à clarifier des questions techniques nécessaires à une compréhension indépendante de l'état de fait (c. 3.2.2). Lorsqu'il est nécessaire de répondre à des questions purement techniques qui sont déterminantes pour trancher le litige et que le juge ne dispose pas des connaissances professionnelles nécessaires pour le faire (que ce soit dans le domaine des brevets ou, comme en l'espèce, sur le plan de la fabrication des capsules de café), le recours à une expertise sommaire constitue un moyen de preuve admissible, même en procédure sommaire, en vertu en particulier de l'art. 254 al. 2 lit. b CPC (c. 3.2.2).

26 juin 2012

TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 (f) (mes. prov.)

sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II » ; motifs absolus d’exclusion, marque tridimensionnelle, signe tridimensionnel, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie, Media Markt, café, capsule de café, machine à café, mesures provisionnelles, décision incidente, préjudice irréparable, qualité pour agir du preneur de licence, forme techniquement nécessaire, signe alternatif, arbitraire, imposition comme marque, expertise sommaire, numerus clausus des droits de propriété intellectuelle ; art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 55 al. 4 LPM, art. 59 lit. d LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589- 593, « Nespresso »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310- 314, « Nespresso III »), N 662 (Handelsgericht SG, 21mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

La première Cour de droit civil du Tribunal fédéral est saisie d'un recours contre une décision sur mesures provisoires rendue par le juge délégué du Tribunal cantonal vaudois dans une cause opposant les sociétés Nestlé SA (ci-après: Nestlé) et Nestlé Nespresso SA (ci-après: Nespresso) à celles Ethical Coffee Compagnie SA et Ethical Coffee Companie (Swiss) SA (ci-après: ECC) et à Media Markt, qui ont commercialisé, dès septembre 2011, des capsules de café concurrentes de celles de Nespresso et compatibles avec les machines du même nom. Les sociétés ECC ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral pour arbitraire et violation du droit d'être entendu contre l'ordonnance du 11 novembre 2011 leur faisant interdiction en particulier d'offrir, de commercialiser, de distribuer des capsules de café dont la forme correspond à celle de la marque enregistrée par Nestlé. Une décision sur mesures provisionnelles est une décision incidente susceptible d'un recours au Tribunal fédéral uniquement si elle peut causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF (c. 1.1). Ce préjudice doit être de nature juridique et non de fait ou purement économique. Il doit en outre être irréparable, soit non susceptible d'être supprimé par une décision finale ultérieure (c. 1.2). Dans le cas d'espèce, comme les recourantes ne sont pas encore solidement implantées sur le marché et comme les mesures attaquées les empêchent de lancer leurs produits, le dommage qu'elles risquent de subir ne se limite pas à un seul préjudice financier (perte de certaines affaires déterminées) mais consiste en une entrave générale à leur développement économique par rapport à Nestlé et Nespresso avec lesquelles elles se trouvent en concurrence. Le dommage correspond ainsi à une perte de parts de marché qui n'est pas indemnisable ou réparable par l'octroi de dommages-intérêts, faute de pouvoir établir quel aurait été le développement économique auquel une partie aurait pu prétendre si elle avait pu lancer son produit sur le marché sans en être empêchée par les mesures provisoires ordonnées. À défaut de pouvoir établir leur dommage, il ne sera pas possible aux sociétés ECC d'en obtenir réparation (c. 1.3.1). Sauf stipulation contraire expresse du contrat de licence (art. 55 al. 4 LPM), le titulaire d'une marque enregistrée aussi bien que le preneur de licence exclusif peuvent agir tant en prévention ou en cessation du trouble (au sens de l'art. 55 al. 1 lit. a et b LPM), que requérir des mesures provisionnelles, notamment pour assurer à titre provisoire la prévention ou la cessation du trouble (art. 59 lit. d LPM) (c. 2.2). Dans leur opposition aux mesures provisionnelles, les sociétés ECC ont fait valoir le caractère techniquement nécessaire de la forme des capsules Nespresso. Le fait que l'IPI ait procédé à l'enregistrement de ces capsules comme marques de forme avec la mention qu'il s'agirait d'une marque imposée ne dispense pas le juge d'examiner la validité de la marque ainsi obtenue. L'imposition par l'usage ne permet de valider une marque que si le signe considéré appartenait au domaine public au sens de l'art. 2 lit. a LPM, mais pas s'il constituait une forme techniquement nécessaire ou la nature même du produit, selon l'art. 2 lit. b LPM (c. 2.3). Si une forme est techniquement nécessaire, sa protection est absolument exclue par l'art. 2 lit. b LPM sans qu'une imposition par l'usage n'entre en ligne de compte. À la différence des autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d'une forme constituant la nature même du produit ou techniquement nécessaire ne permet donc pas d'en obtenir la protection (c. 2.3). Une invention tombée dans le domaine public à l'échéance de la durée de protection du droit des brevets (le brevet européen déposé par Nestlé sur les capsules Nespresso a expiré le 4 mai 2012) ne saurait être monopolisée une seconde fois par son enregistrement comme marque de forme renouvelable indéfiniment. En l'absence de formes alternatives permettant la même utilisation, ou si une autre forme présente des inconvénients empêchant une concurrence efficace, la protection doit être refusée. Il ne s'agit pas uniquement de savoir s'il est possible de produire une capsule différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Pour qu'elle constitue une forme alternative, il faut encore qu'elle n'entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il faut donc déterminer si la ou les forme(s) de ces capsules compatibles se distingue(nt) suffisamment dans l'esprit du public acheteur de celle(s) de la capsule Nespresso pour éviter d'entrer dans sa sphère de protection au sens de l'art. 3 LPM (c. 2.3). Si la forme d'une capsule est techniquement nécessaire, les art. 2 et 3 LCD ne permettent pas d'interdire à un concurrent son utilisation, puisque toute concurrence deviendrait alors impossible et puisque la LCD ne saurait avoir pour effet d'accorder au produit litigieux une protection que la LPM lui refuse (c. 2.3). S'agissant d'une question technique controversée et décisive, le juge cantonal aurait dû demander une expertise sommaire à un technicien indépendant qui permette d'élucider, au moins sous l'angle de la vraisemblance, la question de savoir si la forme des capsules Nespresso est ou non techniquement nécessaire. La décision du juge, qui a préféré trancher sans procéder à l'administration de cette preuve et sans disposer d'aucun élément de preuve sérieux, est entachée d'arbitraire (art. 9 Cst.) et doit être annulée (c. 2.4). [NT]

21 mai 2013

HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 (d) (mes. prov.)

sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV » ; motifs absolus d’exclusion, motifs relatifs d’exclusion, marque tridimensionnelle, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, forme géométrique simple, imposition comme marque, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, sondage, café, capsule de café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, impression générale, expertise sommaire, similarité des signes, identité des produits ou services, dilution de la force distinctive ; art. 2 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’examen du caractère éventuellement techniquement nécessaire des capsules de café Nespresso doit intervenir en se limitant à la forme des seules autres capsules qui sont compatibles avec les machines Nespresso (c. 1). Le TF a rappelé dans sa jurisprudence Lego (cf. TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 [N 661], c. 3.2) qu’au vu du caractère potentiellement illimité dans le temps de l’enregistrement d’une marque de forme, il convenait de ne l’admettre que dans la mesure où les concurrents ne s’en trouvaient pas prétérités en raison de la présence d’une forme alternative de même valeur ; et que si le coût d’une telle forme alternative était plus élevé, même faiblement, le choix d’une autre forme ne pouvait leur être imposé (c. 4). Il résulte de l’expertise sommaire diligentée par le tribunal que la forme conique des capsules est techniquement évidente mais pas absolument obligatoire pour une optimisation du système (c. 5.aa) ; que leur forme varie chaque fois en fonction du matériau dans lequel ces capsules sont réalisées et qu’enfin une forme conique n’est pas techniquement nécessaire pour réaliser un « café normal » avec une machine Nespresso mais qu’elle s’impose par contre plus ou moins naturellement suivant le type de matériau dans lequel est réalisée cette capsule (c. 5.aa). L’expert a retenu enfin que pour ressortir la capsule de la machine, la forme conique n’est pas non plus absolument nécessaire, une forme cylindrique par exemple convenant également. Les formes qui constituent la nature même du produit, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique, sont exclues de l’enregistrement comme marques. C’est le cas lorsque la fonction du produit suppose pour le public qu’une telle forme lui soit donnée (c. 10.a). Dans le cas particulier, le public attend un produit qui lui permette de préparer un café avec une machine Nespresso, soit nécessairement une capsule. Il s’agit donc de vérifier si la marque enregistrée constitue la nature même d’une capsule de café pouvant fonctionner avec une machine Nespresso, ce que le tribunal n’admet pas en l’espèce, en particulier parce que les capsules Nespresso présentent des caractéristiques particulières qui les distinguent des autres formes possibles de capsules de café (c. 10.b) (cf. fig. 11d). Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été rendu vraisemblable que la présence d’un motif absolu au sens de l’art. 2 lit. b LPM exclurait la forme des capsules de café Nespresso d’un enregistrement comme marque (c. 11). Les capsules Denner présentent une certaine similitude avec la marque de forme des capsules Nespresso en particulier du point de vue de leur construction en forme de cône tronqué simple coiffé d’un élément supplémentaire (cf. fig. 11a). Ces formes sont ainsi semblables et enregistrées pour des produits identiques. Reste donc à déterminer si la similitude des formes des capsules et l’identité des produits génèrent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. La ressemblance dans la forme des produits est une condition de l’existence d’un risque de confusion, mais n’est pas forcément suffisante. Ce qui compte, c’est de savoir si, en raison de la ressemblance des capsules Denner, il est à craindre que de mauvaises attributions surviennent qui mettraient en danger la fonction individualisatrice des capsules Nespresso. De telles mauvaises attributions dépendent de la manière dont les consommateurs perçoivent les signes, dont ils les comprennent et dont ils s’en souviennent. La simple possibilité d’une confusion ne suffit pas, il est nécessaire que le consommateur moyen confonde les marques avec une certaine vraisemblance (c. 10.c.aa). Une étude démoscopique sur la base de laquelle 56,4% des suisses attribueraient la capsule Denner qui leur est montrée à Nestlé ou la confondraient avec une capsule Nespresso ne lie pas le tribunal si elle a été réalisée à un moment où, sur le marché, la capsule Denner n’était encore presque pas présente et donc inconnue du public, alors que les capsules Nespresso y occupaient une position dominante, et que la confusion a encore été augmentée par l’indication donnée aux personnes sondées que ces capsules étaient compatibles avec les machines Nespresso (c. 12.c et 12.c.bb-cc). L’existence d’un risque de confusion ne doit pas être déterminée sur la base d’une comparaison abstraite des formes, mais doit prendre en compte l’ensemble du contexte et des circonstances de la cause (c. 13). La forme géométrique de base cylindrique et pyramidale du cône tronqué de la marque de la demanderesse, qui se retrouve aussi dans pratiquement toutes les capsules de café disponibles sur le marché suisse, n’a pas été imposée par l’usage fait des capsules, avec cette conséquence que même ses éléments non protégeables pourraient être monopolisés par le titulaire de la marque. Le titulaire d’une marque qui peut être confondue avec une forme géométrique simple de base ne peut pas exiger que, de ce fait, les autres renoncent à utiliser une forme de base qui est en plus dans le cas particulier aussi, dans certains de ses éléments, évidente du point de vue de la technique (c. 13.b). Le cône tronqué avec son raccord techniquement nécessaire ne peut ainsi pas être monopolisé pour les capsules de café et n’est pas protégé par le droit des marques (c. 13.b.aa) (cf. fig. 11c). L’élément caractéristique de la marque de forme déposée par Nestlé est le « chapeau » de la capsule (cf. fig. 4, p. 765) et c’est à lui qu’une attention particulière doit être portée dans l’examen du risque de confusion, même si ce dernier doit intervenir en fonction de la marque dans son ensemble et pas se limiter à ce seul élément. Lorsque les capsules litigieuses sont examinées obliquement depuis le haut (« von schräg oben »), l’impression qui s’en dégage ne permet pas d’admettre la vraisemblance de l’existence d’un risque de confusion (c. 13.c). Les capsules Nespresso évoquent par leur forme noble, élégante et lisse l’exclusivité d’un produit de haute qualité. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans les capsules Denner dont les trous et les étagements ne sont pas esthétiques (« mit unästhetischen Löchern und Abstufungen ») (c. 13.d.bb). [NT]

Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11d – Formes alternatives
Fig. 11d – Formes alternatives

09 janvier 2013

TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 (f) (mes. prov.)

sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III » (Berger Mathis, Anmerkung) ; Nespresso, café, capsule de café, machine à café, mesures superprovisionnelles, mesures provisionnelles, recours en matière civile, recours constitutionnel subsidiaire, décision intermédiaire ; art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 98 LTF, art. 30 LPM, art. 161 al. 1 CPC, art. 261 al. 1 lit. b CPC, art. 265 al. 2 CPC, art. 308 al. 1 lit. b CPC, art. 319 lit. a CPC ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 662 (Handelsgericht SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

Suite à l'arrêt TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 (cf. N 660) renvoyant la cause au juge délégué de la Cour civile vaudoise pour qu'il demande une expertise sommaire à un technicien indépendant avant de trancher la question controversée et décisive de savoir si la forme des capsules Nespresso est techniquement nécessaire et, partant, si l'absence de validité de la marque est vraisemblable, le juge délégué a rendu, le 21 août 2012, une nouvelle ordonnance qualifiée d'ordonnance de mesures superprovisionnelles. Il s'agit de déterminer si cette dernière peut ou non faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. Les mesures superprovisionnelles sont rendues en cas d'urgence particulière. Le juge doit ensuite rapidement entendre la partie adverse et statuer sans délai sur la requête de mesures provisionnelles proprement dites. Il rend alors une décision sur mesures provisionnelles qui remplace la décision superprovisionnelle. Les mesures provisionnelles restent en principe en vigueur jusqu'à l'entrée en force de la décision au fond, mais elles peuvent être modifiées ou révoquées si les circonstances ont changé après leur prononcé ou s'il s'avère par la suite qu'elles sont injustifiées. Les mesures provisionnelles rendues par un tribunal de première instance peuvent être déférées à l'autorité cantonale supérieure par la voie de l'appel ou du recours stricto sensu (art. 308 al. 1 lit. b et art. 319 lit. a CPC) ; tandis que celles rendues par le tribunal supérieur statuant sur recours ou comme instance cantonale unique peuvent être portées devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile ou du recours constitutionnel subsidiaire (art. 98 LTF). Les mesures superprovisionnelles ne sont en revanche susceptibles d'aucun recours, ni devant l'autorité cantonale supérieure lorsqu'elles émanent d'une autorité inférieure, ni devant le Tribunal fédéral. L'exclusion de tout recours au Tribunal fédéral contre les mesures superprovisionnelles découle de l'obligation d'épuiser les voies de recours cantonales et se justifie aussi pour des questions de rapidité de la procédure. La procédure provisionnelle doit être poursuivie devant l'autorité saisie afin d'obtenir le remplacement des mesures superprovisionnelles par des mesures provisionnelles. Lorsqu'un recours dirigé contre des mesures provisionnelles est admis et que la décision attaquée est annulée, la cause est renvoyée au juge précédent pour nouvelle décision. La procédure se trouve ramenée au stade où elle se trouvait juste avant que la décision annulée soit rendue. L'annulation de la décision de mesures provisionnelles fait ainsi renaître les mesures superprovisionnelles (c. 1.1.1). Le juge à qui la cause est renvoyée doit à nouveau, et sans délai, statuer sur la requête de mesures provisionnelles proprement dites et donc rendre une nouvelle décision de mesures provisionnelles ordinaires terminant en principe la procédure provisionnelle. Si le juge n'est pas en mesure de statuer à bref délai, par exemple parce qu'il est tenu de requérir au préalable une expertise technique sommaire, il lui appartient, le cas échéant, de statuer sur le maintien, la modification ou la suppression des mesures précédemment ordonnées à titre superprovisionnel pour la durée restante de la procédure provisionnelle jusqu'à ce qu'il ait réuni les éléments nécessaires pour se prononcer, en principe définitivement, sur les mesures provisionnelles requises. Cette décision est une décision intermédiaire qui ne met pas fin à la procédure provisionnelle et sera remplacée par une décision de mesures provisionnelles dès que le juge disposera des éléments nécessaires pour la rendre. Cette décision intermédiaire est prononcée après audition des parties et susceptible de rester en vigueur un laps de temps important. Elle ne saurait être assimilée à une décision sur mesures superprovisionnelles. Ainsi, lorsque le juge statue sur le sort de mesures superprovisionnelles réactivées par l'annulation d'une décision sur mesures provisionnelles et qu'il le fait à titre intermédiaire, pour la durée restante de la procédure provisionnelle, il rend une décision de mesures provisionnelles susceptible de recours (c. 1.1.2). À défaut d'éléments nouveaux, et en particulier avant le dépôt de l'expertise exigée par l'arrêt TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 (cf. N 660]), le juge précédent ne peut pas rendre une nouvelle décision mettant fin à la procédure de mesures provisionnelles. La décision attaquée est ainsi une décision intermédiaire rendue sur la base des éléments disponibles à ce stade, non assimilable à une nouvelle décision mettant fin à la procédure de mesures provisionnelles (c. 4.1). Celui qui requiert des mesures provisionnelles doit rendre vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire fait l'objet d'une atteinte ou risque de le faire et qu'il s'expose ainsi à un préjudice difficilement réparable. L'enregistrement d'une marque n'intervient que si l'IPI n'a constaté aucun motif de nullité formel ou matériel. Il n'est pas arbitraire d'en déduire que la marque est, de prime abord et à défaut d'autres éléments, vraisemblablement valable. Il appartient à ceux qui contestent le bien-fondé de mesures provisionnelles de rendre vraisemblable que la marque sur la base de laquelle elles ont été rendues, ne pouvait pas être protégée (c. 4.2). Dans l'appréciation de l'existence d'un préjudice difficilement réparable, il n'y a pas à opposer les préjudices auxquels les parties sont exposées pour décider s'il y a lieu d'interdire ou non la commercialisation d'un produit par voie de mesures provisionnelles. Pour que des mesures provisionnelles soient justifiées, il suffit que la partie requérante risque un préjudice difficilement réparable. Il n'est pas nécessaire que ce préjudice soit plus important ou plus vraisemblable que celui qu'encourrait la partie adverse au cas où les mesures requises seraient ordonnées (c. 5). [NT]

CPC (RS 272)

- Art. 319

-- lit. a

- Art. 308

-- al. 1 lit. b

- Art. 265

-- al. 2

- Art. 161

-- al. 1

- Art. 261

-- al. 1 lit. b

LPM (RS 232.11)

- Art. 30

LTF (RS 173.110)

- Art. 93

-- al. 1 lit. a

- Art. 98

27 août 2013

TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 (d)

ATF 139 III 433 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V » ; Tribunal fédéral des brevets, récusation, motif de récusation, obligation de déclarer, société soeur, groupe de sociétés, café, capsules de café, garantie du juge constitutionnel, Migros, Denner, Nespresso ; art. 6 ch. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 92 al. 1 LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 99 al. 1 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 27 LTFB, art. 28 LTFB, art. 47 al. 1 lit. f CPC, art. 48 CPC; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 662 (Handelsgericht SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »).

L'art. 28 LTFB règle la question de la récusation des juges suppléants au TFB. Pour le surplus, les principes généraux du CPC, et en particulier ceux qui traitent de la récusation selon les art. 47 ss CPC valent en vertu de l'art. 27 LTFB aussi pour la procédure devant le TFB. C'est ainsi qu'est concrétisé le droit constitutionnel à bénéficier d'un juge indépendant et impartial consacré par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.1.1). Cette garantie est déjà violée en présence de circonstances qui, examinées de manière objective, donnent à penser qu'elles pourraient fonder une apparence de prévention ou le danger d'un parti pris. Tel est le cas si l'ensemble des circonstances, tant de fait que du point de vue procédural, fait apparaître des éléments de nature à éveiller la méfiance quant à l'impartialité du juge. La défiance quant à l'indépendance doit apparaître comme fondée d'un point de vue objectif, et il n'est pas exigé pour la récusation que le juge soit effectivement prévenu (c. 2.1.2). La garantie du juge constitutionnel vaut de la même manière pour les juges ordinaires que pour les juges suppléants (c. 2.1.3). Un avocat intervenant comme juge suppléant est, selon la jurisprudence constante, considéré comme prévenu lorsqu'il est encore lié par un mandat à l'une des parties ou lorsqu'il est intervenu comme mandataire d'une des parties à de nombreuses reprises ou peu avant la procédure. Cela sans égard au fait que le mandat soit en lien ou non avec l'objet de la procédure. Dans sa jurisprudence, la plus récente, le TF a considéré qu'un avocat intervenant comme juge était prévenu non seulement lorsqu'il représentait ou avait représenté peu de temps auparavant une des parties à la procédure, mais aussi lorsque, dans le cadre d'une autre procédure, il était ou avait été mandaté par une partie adverse à celles intervenant dans la procédure dans le cadre de laquelle il était appelé à officier comme juge (c. 2.1.4). Une apparence de prévention peut aussi découler de ce qu'un des associés du juge suppléant, et pas ce dernier à titre personnel, est mandaté par une des parties à la procédure ou l'a été peu de temps auparavant. Cela quelle que soit la nature du rapport juridique qui unit les associés au sein d'une étude (c. 2.1.5). D'autres types de relations qu'un mandat direct entre une des parties et le juge suppléant peuvent susciter l'existence de liens particuliers entre eux fondant l'apparence d'une prévention. Les considérations pratiques liées à la difficulté d'établir l'existence de telles relations ne doivent pas être un obstacle à leur prise en compte, vu l'obligation de déclarer l'existence d'un possible motif de récusation faite par l'art. 48 CPC aux magistrats ou fonctionnaires judiciaires (c. 2.1.6). Selon l'art. 28 LTFB, les juges suppléants se récusent dans les procédures où une partie est représentée par une personne qui travaille dans la même étude d'avocats, dans le même cabinet de conseils en brevets ou pour le même employeur. Cette disposition vise seulement les cas dans lesquels un associé ou un collègue de travail du juge représente une partie dans le cadre de la procédure pendante devant le TFB. Elle ne règle pas la situation dans laquelle un associé du juge appartenant à la même étude que lui est lié par un mandat à une des parties à la procédure, sans pour autant la représenter dans la procédure pendante devant le TFB. L'art. 28 LTFB n'est ainsi pas applicable aux cas dans lesquels un mandat est ouvert entre l'étude d'avocats à laquelle le juge appartient et une partie à la procédure (ou une partie étroitement liée à celle-ci parce qu'appartenant au même groupe de sociétés), mais où cette dernière est représentée dans la procédure devant le TFB par un mandataire qui n'est pas un des associés du juge suppléant. Ce sont alors les motifs généraux de récusation selon l'art. 47 CPC — dans le cas particulier la clause générale de l'al. 1 lit. f — qui doivent être pris en compte dans le respect des principes établis par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.2). Dans le cas particulier, le mandat donné à un des associés du juge suppléant ne l'était pas par une des parties à la procédure (Denner SA), mais par sa société sœur: Migros France. Le risque de prévention du juge suppléant a néanmoins été retenu par le TF vu la manière dont les marques sont gérées au sein du groupe Migros (qui agit aussi pour celles de Denner) (c. 2.3.1), et de la communauté d'intérêts entre ce groupe et Denner à l'issue du procès devant le TFB (c. 2.3.4). Le recours est admis. [NT]

CEDH (RS 0.101)

- Art. 6

-- ch. 1

CPC (RS 272)

- Art. 48

- Art. 47

-- al. 1 lit. f

Cst. (RS 101)

- Art. 30

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 92

-- al. 1

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 75

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 1

- Art. 97

-- al. 1

LTFB (RS 173.41)

- Art. 28

- Art. 27

15 septembre 2014

TC VD, 15 septembre 2014, MP/2014/6 (f) (mes.prov.)

Motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, droit de réplique inconditionnel, autorité de l’arrêt de renvoi, pouvoir de cognition, fait nouveau, expertise sommaire, concurrence déloyale, imposition par l’usage, besoin de libre disposition absolu, domaine public, étendue de la protection, liberté d’imitation, café, capsule de café, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie ; art. 6 CEDH, art. 29 al. 2 Cst., art. 66 al. 1 OJ, art. 107 al. 2 LTF, art. 1 LPM, art. 1 al. 2 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 2 lit. d LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (vol. 2012-2013 ; TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II »), N 662 (vol. 2012-2013 ; HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »), N 737 (vol. 2012-2013 ; TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (vol. 2012-2013 ; TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’expertise sommaire a permis d’établir que la forme tronconique des capsules Nespresso est celle qui présente l’avantage de contenir le plus de café et d’offrir une résistance à la pression hydrostatique importante, ce qui permet d’obtenir le meilleur café en augmentant le volume de café en contact avec le flux d’eau sous pression. Cette forme tronconique se terminant par un cône obtus, outre qu’elle permet un précentrage parfait et précis de la pointe de la capsule par rapport aux aiguilles de perforation, offre une stabilité mécanique accrue à la pression hydrostatique et au moment de la perforation par les aiguilles dans le compartiment en assurant un centrage correct de la capsule dans le compartiment de la machine. Ce qu’aucune des capsules dites alternatives proposées par les requérantes ne permet de faire. Pour l’expert, la forme double tronconique et cône obtus des capsules Nespresso est aussi celle qui en rend l’utilisation la plus commode permettant d’assurer une auto-extraction de la capsule usagée et améliorant également la préhension des capsules, leur introduction dans la machine, le temps que prend ainsi la confection d’un bon café et enfin leur conservation. Grâce à leur forme, les capsules Nespresso sont à la fois commodes et résistantes et présentent des avantages notables par rapport aux capsules prépercées compatibles qui doivent être conservées dans une pochette étanche pour que l’arôme du café demeure (c. 19). Les coûts de fabrication des capsules Nespresso par emboutissage d’une feuille d’aluminium très fine sont en outre très peu onéreux alors que ceux de fabrication d’une capsule biodégradable sont légèrement plus élevés et l’épaisseur des parois nettement plus importante de sorte que le volume de poudre de café contenue par la capsule diminue. L’expert souligne que toutes les autres formes de capsules non tronconiques examinées ont des coûts de fabrication plus élevés, leur processus de fabrication étant plus compliqué (c. 19). En vertu du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, l’autorité cantonale est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du TF. Elle est liée par ce qui a déjà été tranché définitivement par le TF, ainsi que par les constatations de faits qui n’ont pas été critiquées devant lui. Des faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points qui ont fait l’objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base juridique nouvelle (c. Ia). Dans le cas d’espèce, le TF a enjoint à l’autorité cantonale de juger à nouveau la cause en intégrant les résultats d’une expertise judiciaire sommaire destinée à déterminer s’il est possible de fabriquer une capsule de forme différente pour la même utilisation (absence de forme alternative) ou si une autre forme présenterait des inconvénients empêchant une concurrence efficace (c. Ib). L’art. 2 lit. b LPM exclut de la protection légale les formes constituant la nature même du produit, ainsi que les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires. Cette disposition circonscrit, dans le domaine des marques de forme, les signes pour lesquels il existe un besoin de libre disposition absolu. L’art. 2 lit. b LPM dispose d’une portée propre par rapport à la clause générale de l’art. 2 lit. a LPM en ce que les formes inhérentes à la nature même du produit, ou les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires, demeurent exclues de la protection légale, même si leur utilisation comme marque a pu s’imposer dans le commerce. Ainsi, à la différence de ce qui vaut pour les autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d’une forme de ce genre ne permet pas d’en obtenir le monopole dans le cadre du droit des marques (c. III.a). Il résulte de l’exclusion des formes constituant la nature même d’un produit qu’une forme ne peut bénéficier de la protection du droit des marques que si elle se différencie des caractéristiques fonctionnelles ou esthétiquement nécessaires du produit concerné. La forme dictée par de telles caractéristiques n’est pas susceptible de protection et demeure à la libre disposition de tous les concurrents (c. III.a). La question à examiner n’est pas seulement de savoir s’il est possible de produire une capsule de forme différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Il convient également de tenir compte que la capsule de forme différente ne peut être considérée comme une forme alternative que si elle n’entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il s’agit donc aussi de se demander si la ou les autres formes se distinguerait suffisamment dans l’esprit du public acheteur de la capsule Nespresso pour éviter d’entrer dans sa sphère de protection (art. 3 LPM) (c. III.a). Les formes alternatives qui, selon l’arrêt de renvoi, entrent en ligne de compte sont des formes de capsules compatibles avec le système de la machine Nespresso, et les autres façons de conditionner le café (dans des boîtes ou des sachets), tout comme les capsules non compatibles avec cette machine, n’ont pas être considérées (c. III.c). L’expertise judiciaire rend vraisemblable l’importance technique de la forme tronconique surmontée par un cône obtus caractérisant les capsules Nespresso. Même si cette forme double tronconique et conique n’est pas la seule qui garantisse la compatibilité d’une capsule avec une machine Nespresso, elle est indispensable pour disposer de la quantité de café déterminée qui est celle des capsules Nespresso et est la seule qui permette d’obtenir un volume utile optimal d’une capsule. Il n’apparaît ainsi pas que les requérantes puissent revendiquer, par le biais du droit des marques, le monopole d’exploiter une forme décisive sur le volume net maximal d’une capsule pouvant être utilisée dans une machine Nespresso (c. III.c). Il ressort en outre de l’expertise qu’aucune des capsules alternatives proposées par les requérantes n’a les propriétés requises pour un bon fonctionnement dans les machines Nespresso. Elles n’ont pas la longueur suffisante pour une perforation efficace de la capsule par les aiguilles, la forme adéquate pour être guidées correctement lors de la fermeture du compartiment contre la contre-pièce, pour garantir l’étanchéité et empêcher le blocage du mécanisme, ni la forme adéquate pour assurer l’auto-extraction de la capsule usagée. La forme de la capsule Nespresso apparaît ainsi comme une forme techniquement nécessaire au sens de l’art. 2 lit. b LPM et ne peut pas être protégée comme marque (c. III.c). Pour que l’on soit en présence d’une violation des règles relatives à la concurrence déloyale, il faut que le concurrent utilise une prestation d’autrui d’une manière qui ne soit pas conciliable avec les règles de la bonne foi dans les affaires. En vertu du principe de la liberté d’imitation, en l’absence de protection découlant des droits de propriété intellectuelle, il ne suffit pas que les marchandises puissent être confondues ensuite de l’imitation pour que le comportement soit déloyal. Il faut au contraire qu’à l’imitation s’ajoutent d’autres circonstances faisant apparaître le comportement de l’imitateur comme déloyal. Un imitateur agit de manière déloyale au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD en particulier s’il prend des mesures de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui, en imitant la forme d’une marchandise dépourvue de force distinctive, alors qu’il aurait pu lui donner une autre forme sans modification de la construction technique et sans que cela ne porte atteinte à la destination du produit (c. IV.a). Le principe de la liberté de copie ne justifie pas que le consommateur soit induit en erreur de manière évitable sur la provenance d’une marchandise ou que l’imitateur exploite de façon parasitaire la bonne renommée d’autrui; l’imitateur doit prendre, dans les limites raisonnables, les mesures propres à écarter ou à diminuer le risque de confusion du public sur la provenance du produit (c. IV.a). Comme, lorsqu’une forme est techniquement nécessaire, l’imitation de celle-ci n’est pas déterminante pour juger de l’existence d’un risque de confusion et que les requérantes n’ont pas fait valoir que les intimés auraient adopté une autre attitude constitutive d’un comportement déloyal au sens de la LCD, la reprise de la forme double tronconique et conique de leurs capsules n’apparaît pas déloyale (c. IV.b). La requête de mesures provisionnelles est donc rejetée. [NT]

30 octobre 2014

TFB, 30 octobre 2014, S2014_007 (d)

Droit à la délivrance du brevet, Tribunal fédéral des brevets, capsule de café, contrat de travail, devoir de fidélité du travailleur, invention de service, cas clair, indemnité spéciale équitable ; art. 26 al. 3 LTFB, art. 321a CO, art. 332 al. 1 CO, art. 257 CPC ; cf. N 920 (TF, 15 avril 2015, 4A_688/2014 ; sic! 9/2015, p. 526-528, « Patent Assignment »).

Selon l’art. 26 al. 2 LTFB, le TFB est entre autres compétent pour juger les affaires civiles qui ont un lien de connexité avec des brevets. Toutes les actions qui se fondent sur des conventions en rapport avec des brevets sont en principe de sa compétence. Les demandes basées sur ce type de contrat n’ont pas besoin d’avoir des brevets immédiatement pour objets. Il suffit que le contrat à l’origine de la demande ait un lien avec un brevet, une invention ou une demande de brevet future ou pendante. Les termes « affaires civiles qui ont un lien de connexité avec des brevets » doivent être compris de manière très large et couvrent en particulier les demandes qui, comme en l’espèce, découlent d’un contrat de travail entre les parties en ce qu’il concerne un brevet, respectivement une demande de brevet (c. 2.1). Le droit à la délivrance du brevet et l’appartenance du brevet à l’entreprise ayant employé l’inventeur ne sont en l’espèce pas litigieux. Seule le demeure la signature du document de cession nécessaire au regard du droit américain des brevets en vigueur au moment du dépôt de la demande de brevet en 2011. Il ressort des pièces au dossier qu’en dépit de ses dénégations, le défendeur maîtrise suffisamment la langue anglaise pour percevoir la portée du document formel de transfert qu’il lui est demandé de signer (c. 4.2). Il n’est pas contesté que l’invention concernée est une invention de service qui appartient à l’employeur, soit à la demanderesse, en vertu de l’art. 332 al. 1 CO. Le droit à une invention englobe toutes les attributions liées à l’exploitation de l’invention qui reviennent à l’inventeur sur le plan mondial du fait de son invention. Le droit de déposer une demande de brevet partout dans le monde en fait partie. Le devoir général de diligence et de fidélité du travailleur vis-à-vis de son employeur découlant de l’art. 321a CO implique qu’il lui apporte, dans la mesure de ce qui est raisonnable, son appui dans les demandes en vue de l’obtention de la protection. Cela vaut aussi en lien avec l’obtention de droits de protection à l’étranger. Le travailleur est ainsi tenu de signer les documents nécessaires à l’obtention de la protection par son employeur tant en Suisse qu’à l’étranger. Cette obligation perdure après la fin du contrat de travail. Le travailleur n’a pas droit à une indemnité particulière en présence d’une invention de service. Le déploiement d’une activité inventive fait partie de l’accomplissement des obligations contractuelles pour lequel il est rémunéré (c. 4.3). [NT]

15 avril 2015

TF, 15 avril 2015, 4A_688/2014 (d)

sic! 9/2015, p. 526-528, « Patent Assignment » ; capsule de café, droit à la délivrance du brevet, contrat de travail, recours en matière civile, décision finale, cas clair, invention de service, droit d’être entendu, devoir de fidélité du travailleur, arbitraire, devoir de motivation, pesée d’intérêts, intérêt digne de protection ; art. 29 al. 1 Cst., art. 75 al. 1 LTF, art. 90 LTF, art. 321a CO, art. 321a al. 1 CO, art. 332 al. 1 CO, art. 257 al. 1 CPC, art. 257 al. 1 lit. a CPC ; cf. N 918 (TFB, 30 octobre 2014, S2014_007).

Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions finales du TFB en vertu des art. 75 al. 1 et 90 LTF (c. 1). Un cas clair ne peut être admis lorsque la défenderesse soulève des objections substantielles et décisives qui ne peuvent, du point de vue des faits, pas immédiatement être contredites et qui sont de nature à ébranler la conviction que le Juge s’était déjà forgée. À l’inverse, un cas clair doit être retenu lorsque sur la base des pièces le Tribunal acquiert la conviction que la prétention de la demanderesse est établie et qu’une clarification détaillée des objections de la défenderesse ne pourrait rien y changer. Des contestations manifestement infondées ou inconsistantes de la prétention ne suffisent pas à refuser un cas clair (c. 3.1). En l’espèce, il est incontesté par les parties que le recourant a participé dans le cadre de son contrat de travail à la réalisation d’une invention de service. Il est incontesté que l’intimée a demandé au recourant de signer un document de transfert nécessaire pour obtenir l’enregistrement du brevet aux États-Unis. L’intimée a pu immédiatement établir que les connaissances linguistiques du recourant lui permettaient de comprendre la portée de ce document, et le recourant méconnaît que son refus de signer le document en question entraînerait des complications dans l’obtention du brevet. Il est enfin admis que l’intimée a offert de relever le recourant de tout dommage éventuel pouvant découler pour lui de la signature des documents nécessaires à l’enregistrement du brevet aux États-Unis. Le TF retient ainsi que l’état de fait du cas d’espèce est en grande partie incontesté et a pu être, pour le reste, prouvé immédiatement au sens de l’art. 257 al. 1 lit. a CPC (c. 3.2). Le TF relève que le TFB a considéré à juste titre que le droit à la délivrance du brevet comportait également le droit de déposer des demandes de brevet pour l’invention concernée partout dans le monde (c. 3.3.2). Pour le TF, l’obligation de motivation de leur jugement découlant pour les autorités du droit d’être entendu des art. 53 al. 1 CPC et 29 al. 2 Cst. n’exige pas que tous les arguments avancés par les parties soient examinés séparément et que chaque argument soit expressément contredit. Contrairement à ce que soutient le recourant, le TFB a examiné la cause de manière concrète et a tenu compte de ses intérêts et de ses considérations. L’autorité précédente est ainsi arrivée à la conclusion qu’il n’avait, par la signature du document demandé, qu’à confirmer ce qui était d’ailleurs généralement admis et qu’il serait indemnisé au cas où un éventuel dommage en découlerait pour lui. Le TFB a relevé que le recourant ne faisait pas valoir d’autres risques non couverts et a ainsi motivé en quoi le devoir de diligence et de fidélité du travailleur impliquait qu’il signe dans le cas particulier le document de transfert. Le TFB n’est ainsi pas tombé dans l’arbitraire (c. 3.3.3). Le TF relève qu’il n’a jusqu’à présent jamais eu l’occasion de trancher si le devoir de diligence et de fidélité découlant de l’art. 321a al. 1 CO pour le travailleur comporte une obligation du travailleur de collaborer à la procédure d’enregistrement d’une invention qu’il a réalisée. La doctrine l’admet toutefois à juste titre de manière incontestée. S’il en allait autrement, l’employeur ne pourrait pas utiliser pleinement les inventions de service qui lui reviennent en vertu de l’art. 332 al. 1 CO. Le devoir de collaborer du travailleur perdure ainsi au-delà de la relation de travail lorsque, comme dans le cas d’espèce, une déclaration de l’inventeur est exigée dans le cadre de la procédure d’enregistrement. Le recourant soutient que l’autorité précédente aurait dû procéder à une pesée d’intérêts, ce que ne permet pas la procédure des cas clairs de l’art. 257 CPC. Il méconnaît que l’instance précédente a tenu compte de ses arguments (voir c. 3.3.3). Elle a ainsi retenu justement que le recourant a obtenu un engagement de le relever de tout dommage éventuel. Le recourant n'a pas fait valoir d’autres risques dans le cadre de la procédure devant l’autorité précédente qui n’auraient pas été constatés et dans la procédure devant le TF, il ne soulève pas non plus de manière concluante qu’il existerait d’autres intérêts dignes de protection opposables à ses devoirs de signer le patent assignment requis. Une pesée d’intérêts plus étendue ne se justifie ainsi pas. Il découle bien plus de l’art. 321a al. 1 CO sans autre que le recourant est tenu de signer le patent assignment. Le TFB n’a donc pas violé l’art. 257 al. 1 CO en considérant que ses conditions d’application étaient remplies (c. 3.3.4). Le recours est rejeté. [NT]

08 septembre 2014

TF, 8 septembre 2014, 4A_256/2014 (d)

ATF 140 III 473 ; sic! 1/2015, p. 57-59, « Recht von Hongkong » ; JdT 2015 II 202 ; for, capsule de café, droit applicable, action en cession d’une demande de brevet, internationalité, droit international privé, clause d’exception, contrat en matière de propriété intellectuelle, objet du contrat, contenu du droit applicable, preuve du contenu du droit étranger, Suisse, Hong Kong ; art. 106 al. 1 LTF, art. 1 al. 1 lit. b LDIP, art. 15 al. 1 LDIP, art. 16 al. 1 LDIP, art. 21 al. 4 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP, art. 117 al. 1 LDIP, art. 122 al. 1 LDIP.

Le TF applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Il n’est ainsi lié ni par les arguments invoqués dans le recours, ni par les considérants de l’autorité précédente. Il peut admettre un recours pour d’autres motifs que ceux invoqués dans le cadre du recours et il peut rejeter un recours en se basant sur une argumentation différente de celle de l’autorité précédente (c. 1.2). Les art. 116 ss LDIP règlent les questions de droit applicable aux contrats de façon générale. L’art. 122 LDIP constitue une disposition particulière pour les contrats en matière de propriété intellectuelle. Il en découle que les contrats portant sur la propriété intellectuelle sont soumis au droit de l’État dans lequel celui qui transfère ou concède le droit de propriété intellectuelle a sa résidence habituelle (art. 122 al. 1 LDIP). Pour les personnes morales, c’est le lieu d’établissement qui est déterminant, lequel se trouve sur le territoire de l’État dans lequel le siège de la personne morale est situé (art. 21 al. 4 LDIP). L’art. 122 al. 1 LDIP concerne aussi les contrats qui portent sur des demandes de brevet. Alors que l’art. 110 al. 1 LDIP règle le statut des droits de la propriété intellectuelle, l’art. 122 al. 1 LDIP a lui trait aux contrats et en particulier à tout ce qui concerne leur conclusion, leur contenu et leur validité. Il est possible de déroger au rattachement ordinaire de l’art. 122 al. 1 LDIP, selon l’art. 15 al. 1 LDIP, si la cause se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit. Une modification du critère de rattachement doit, pour certains, aussi intervenir selon l’art. 117 al. 1 LDIP, lorsqu’il existe un lien clair avec le droit d’un autre État que celui résultant de l’art. 122 al. 1 LDIP (c. 2.3). Lorsqu’un contrat est destiné à transférer des demandes de brevet à l’une des parties, il porte sur des droits de propriété intellectuelle au sens de l’art. 122 al. 1 LDIP. S’il existe un différend entre les parties quant au fait même qu’un contrat soit intervenu entre elles et quant à son objet, c’est du statut du contrat qu’il est débattu au sens de l’art. 122 al. 1 LDIP et pas de celui des droits de propriété intellectuelle selon l’art. 110 al. 1 LDIP. Le droit applicable est ainsi celui de l’État dans lequel la partie qui aurait éventuellement transféré les droits de propriété intellectuelle concernés a son siège. Il s’agit en l’espèce de la défenderesse au recours qui tant au moment de la conclusion éventuelle du contrat que par la suite a toujours eu son siège à Hong Kong. Le fait que les demandes de brevet concernées désignent plus souvent la Suisse que Hong Kong ou la Chine comme pays pour lesquels la protection est requise ne suffit pas à créer un lien clair avec le droit de notre pays qui justifierait une dérogation au critère de rattachement de l’art. 122 al. 1 LDIP en vertu soit de l’art. 15 al. 1 LDIP, soit de l’art. 117 al. 1 LDIP. Le droit applicable est donc celui de Hong Kong dont le contenu devra, selon l’art. 16 al. 1 LDIP, être établi d’office par l’autorité précédente à laquelle la cause est renvoyée, mais dont la preuve peut, en matière patrimoniale comme en l’espèce, être mise à la charge des parties (c. 2.4). [NT]