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  • Forme
  • constituant la nature même du produit

27 mars 2007

TAF, 27 mars 2007, B-7418/2006 (d)

« [Lindor-Kugel (3D)] » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, boule, Lindor, Lindt, emballage, chocolat, signe verbal, élément bidimensionnel, couleur, forme constituant la nature même du produit, forme techniquement nécessaire, provenance commerciale, besoin de libre disposition, imposition comme marque, sondage ; art. 1 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM.

Cf. N 187 (arrêt du TF dans cette affaire).

21 mai 2013

HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 (d) (mes. prov.)

sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV » ; motifs absolus d’exclusion, motifs relatifs d’exclusion, marque tridimensionnelle, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, forme géométrique simple, imposition comme marque, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, sondage, café, capsule de café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, impression générale, expertise sommaire, similarité des signes, identité des produits ou services, dilution de la force distinctive ; art. 2 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’examen du caractère éventuellement techniquement nécessaire des capsules de café Nespresso doit intervenir en se limitant à la forme des seules autres capsules qui sont compatibles avec les machines Nespresso (c. 1). Le TF a rappelé dans sa jurisprudence Lego (cf. TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 [N 661], c. 3.2) qu’au vu du caractère potentiellement illimité dans le temps de l’enregistrement d’une marque de forme, il convenait de ne l’admettre que dans la mesure où les concurrents ne s’en trouvaient pas prétérités en raison de la présence d’une forme alternative de même valeur ; et que si le coût d’une telle forme alternative était plus élevé, même faiblement, le choix d’une autre forme ne pouvait leur être imposé (c. 4). Il résulte de l’expertise sommaire diligentée par le tribunal que la forme conique des capsules est techniquement évidente mais pas absolument obligatoire pour une optimisation du système (c. 5.aa) ; que leur forme varie chaque fois en fonction du matériau dans lequel ces capsules sont réalisées et qu’enfin une forme conique n’est pas techniquement nécessaire pour réaliser un « café normal » avec une machine Nespresso mais qu’elle s’impose par contre plus ou moins naturellement suivant le type de matériau dans lequel est réalisée cette capsule (c. 5.aa). L’expert a retenu enfin que pour ressortir la capsule de la machine, la forme conique n’est pas non plus absolument nécessaire, une forme cylindrique par exemple convenant également. Les formes qui constituent la nature même du produit, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique, sont exclues de l’enregistrement comme marques. C’est le cas lorsque la fonction du produit suppose pour le public qu’une telle forme lui soit donnée (c. 10.a). Dans le cas particulier, le public attend un produit qui lui permette de préparer un café avec une machine Nespresso, soit nécessairement une capsule. Il s’agit donc de vérifier si la marque enregistrée constitue la nature même d’une capsule de café pouvant fonctionner avec une machine Nespresso, ce que le tribunal n’admet pas en l’espèce, en particulier parce que les capsules Nespresso présentent des caractéristiques particulières qui les distinguent des autres formes possibles de capsules de café (c. 10.b) (cf. fig. 11d). Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été rendu vraisemblable que la présence d’un motif absolu au sens de l’art. 2 lit. b LPM exclurait la forme des capsules de café Nespresso d’un enregistrement comme marque (c. 11). Les capsules Denner présentent une certaine similitude avec la marque de forme des capsules Nespresso en particulier du point de vue de leur construction en forme de cône tronqué simple coiffé d’un élément supplémentaire (cf. fig. 11a). Ces formes sont ainsi semblables et enregistrées pour des produits identiques. Reste donc à déterminer si la similitude des formes des capsules et l’identité des produits génèrent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. La ressemblance dans la forme des produits est une condition de l’existence d’un risque de confusion, mais n’est pas forcément suffisante. Ce qui compte, c’est de savoir si, en raison de la ressemblance des capsules Denner, il est à craindre que de mauvaises attributions surviennent qui mettraient en danger la fonction individualisatrice des capsules Nespresso. De telles mauvaises attributions dépendent de la manière dont les consommateurs perçoivent les signes, dont ils les comprennent et dont ils s’en souviennent. La simple possibilité d’une confusion ne suffit pas, il est nécessaire que le consommateur moyen confonde les marques avec une certaine vraisemblance (c. 10.c.aa). Une étude démoscopique sur la base de laquelle 56,4% des suisses attribueraient la capsule Denner qui leur est montrée à Nestlé ou la confondraient avec une capsule Nespresso ne lie pas le tribunal si elle a été réalisée à un moment où, sur le marché, la capsule Denner n’était encore presque pas présente et donc inconnue du public, alors que les capsules Nespresso y occupaient une position dominante, et que la confusion a encore été augmentée par l’indication donnée aux personnes sondées que ces capsules étaient compatibles avec les machines Nespresso (c. 12.c et 12.c.bb-cc). L’existence d’un risque de confusion ne doit pas être déterminée sur la base d’une comparaison abstraite des formes, mais doit prendre en compte l’ensemble du contexte et des circonstances de la cause (c. 13). La forme géométrique de base cylindrique et pyramidale du cône tronqué de la marque de la demanderesse, qui se retrouve aussi dans pratiquement toutes les capsules de café disponibles sur le marché suisse, n’a pas été imposée par l’usage fait des capsules, avec cette conséquence que même ses éléments non protégeables pourraient être monopolisés par le titulaire de la marque. Le titulaire d’une marque qui peut être confondue avec une forme géométrique simple de base ne peut pas exiger que, de ce fait, les autres renoncent à utiliser une forme de base qui est en plus dans le cas particulier aussi, dans certains de ses éléments, évidente du point de vue de la technique (c. 13.b). Le cône tronqué avec son raccord techniquement nécessaire ne peut ainsi pas être monopolisé pour les capsules de café et n’est pas protégé par le droit des marques (c. 13.b.aa) (cf. fig. 11c). L’élément caractéristique de la marque de forme déposée par Nestlé est le « chapeau » de la capsule (cf. fig. 4, p. 765) et c’est à lui qu’une attention particulière doit être portée dans l’examen du risque de confusion, même si ce dernier doit intervenir en fonction de la marque dans son ensemble et pas se limiter à ce seul élément. Lorsque les capsules litigieuses sont examinées obliquement depuis le haut (« von schräg oben »), l’impression qui s’en dégage ne permet pas d’admettre la vraisemblance de l’existence d’un risque de confusion (c. 13.c). Les capsules Nespresso évoquent par leur forme noble, élégante et lisse l’exclusivité d’un produit de haute qualité. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans les capsules Denner dont les trous et les étagements ne sont pas esthétiques (« mit unästhetischen Löchern und Abstufungen ») (c. 13.d.bb). [NT]

Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11d – Formes alternatives
Fig. 11d – Formes alternatives

15 septembre 2014

TC VD, 15 septembre 2014, MP/2014/6 (f) (mes.prov.)

Motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, droit de réplique inconditionnel, autorité de l’arrêt de renvoi, pouvoir de cognition, fait nouveau, expertise sommaire, concurrence déloyale, imposition par l’usage, besoin de libre disposition absolu, domaine public, étendue de la protection, liberté d’imitation, café, capsule de café, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie ; art. 6 CEDH, art. 29 al. 2 Cst., art. 66 al. 1 OJ, art. 107 al. 2 LTF, art. 1 LPM, art. 1 al. 2 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 2 lit. d LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (vol. 2012-2013 ; TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II »), N 662 (vol. 2012-2013 ; HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »), N 737 (vol. 2012-2013 ; TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (vol. 2012-2013 ; TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’expertise sommaire a permis d’établir que la forme tronconique des capsules Nespresso est celle qui présente l’avantage de contenir le plus de café et d’offrir une résistance à la pression hydrostatique importante, ce qui permet d’obtenir le meilleur café en augmentant le volume de café en contact avec le flux d’eau sous pression. Cette forme tronconique se terminant par un cône obtus, outre qu’elle permet un précentrage parfait et précis de la pointe de la capsule par rapport aux aiguilles de perforation, offre une stabilité mécanique accrue à la pression hydrostatique et au moment de la perforation par les aiguilles dans le compartiment en assurant un centrage correct de la capsule dans le compartiment de la machine. Ce qu’aucune des capsules dites alternatives proposées par les requérantes ne permet de faire. Pour l’expert, la forme double tronconique et cône obtus des capsules Nespresso est aussi celle qui en rend l’utilisation la plus commode permettant d’assurer une auto-extraction de la capsule usagée et améliorant également la préhension des capsules, leur introduction dans la machine, le temps que prend ainsi la confection d’un bon café et enfin leur conservation. Grâce à leur forme, les capsules Nespresso sont à la fois commodes et résistantes et présentent des avantages notables par rapport aux capsules prépercées compatibles qui doivent être conservées dans une pochette étanche pour que l’arôme du café demeure (c. 19). Les coûts de fabrication des capsules Nespresso par emboutissage d’une feuille d’aluminium très fine sont en outre très peu onéreux alors que ceux de fabrication d’une capsule biodégradable sont légèrement plus élevés et l’épaisseur des parois nettement plus importante de sorte que le volume de poudre de café contenue par la capsule diminue. L’expert souligne que toutes les autres formes de capsules non tronconiques examinées ont des coûts de fabrication plus élevés, leur processus de fabrication étant plus compliqué (c. 19). En vertu du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, l’autorité cantonale est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du TF. Elle est liée par ce qui a déjà été tranché définitivement par le TF, ainsi que par les constatations de faits qui n’ont pas été critiquées devant lui. Des faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points qui ont fait l’objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base juridique nouvelle (c. Ia). Dans le cas d’espèce, le TF a enjoint à l’autorité cantonale de juger à nouveau la cause en intégrant les résultats d’une expertise judiciaire sommaire destinée à déterminer s’il est possible de fabriquer une capsule de forme différente pour la même utilisation (absence de forme alternative) ou si une autre forme présenterait des inconvénients empêchant une concurrence efficace (c. Ib). L’art. 2 lit. b LPM exclut de la protection légale les formes constituant la nature même du produit, ainsi que les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires. Cette disposition circonscrit, dans le domaine des marques de forme, les signes pour lesquels il existe un besoin de libre disposition absolu. L’art. 2 lit. b LPM dispose d’une portée propre par rapport à la clause générale de l’art. 2 lit. a LPM en ce que les formes inhérentes à la nature même du produit, ou les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires, demeurent exclues de la protection légale, même si leur utilisation comme marque a pu s’imposer dans le commerce. Ainsi, à la différence de ce qui vaut pour les autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d’une forme de ce genre ne permet pas d’en obtenir le monopole dans le cadre du droit des marques (c. III.a). Il résulte de l’exclusion des formes constituant la nature même d’un produit qu’une forme ne peut bénéficier de la protection du droit des marques que si elle se différencie des caractéristiques fonctionnelles ou esthétiquement nécessaires du produit concerné. La forme dictée par de telles caractéristiques n’est pas susceptible de protection et demeure à la libre disposition de tous les concurrents (c. III.a). La question à examiner n’est pas seulement de savoir s’il est possible de produire une capsule de forme différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Il convient également de tenir compte que la capsule de forme différente ne peut être considérée comme une forme alternative que si elle n’entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il s’agit donc aussi de se demander si la ou les autres formes se distinguerait suffisamment dans l’esprit du public acheteur de la capsule Nespresso pour éviter d’entrer dans sa sphère de protection (art. 3 LPM) (c. III.a). Les formes alternatives qui, selon l’arrêt de renvoi, entrent en ligne de compte sont des formes de capsules compatibles avec le système de la machine Nespresso, et les autres façons de conditionner le café (dans des boîtes ou des sachets), tout comme les capsules non compatibles avec cette machine, n’ont pas être considérées (c. III.c). L’expertise judiciaire rend vraisemblable l’importance technique de la forme tronconique surmontée par un cône obtus caractérisant les capsules Nespresso. Même si cette forme double tronconique et conique n’est pas la seule qui garantisse la compatibilité d’une capsule avec une machine Nespresso, elle est indispensable pour disposer de la quantité de café déterminée qui est celle des capsules Nespresso et est la seule qui permette d’obtenir un volume utile optimal d’une capsule. Il n’apparaît ainsi pas que les requérantes puissent revendiquer, par le biais du droit des marques, le monopole d’exploiter une forme décisive sur le volume net maximal d’une capsule pouvant être utilisée dans une machine Nespresso (c. III.c). Il ressort en outre de l’expertise qu’aucune des capsules alternatives proposées par les requérantes n’a les propriétés requises pour un bon fonctionnement dans les machines Nespresso. Elles n’ont pas la longueur suffisante pour une perforation efficace de la capsule par les aiguilles, la forme adéquate pour être guidées correctement lors de la fermeture du compartiment contre la contre-pièce, pour garantir l’étanchéité et empêcher le blocage du mécanisme, ni la forme adéquate pour assurer l’auto-extraction de la capsule usagée. La forme de la capsule Nespresso apparaît ainsi comme une forme techniquement nécessaire au sens de l’art. 2 lit. b LPM et ne peut pas être protégée comme marque (c. III.c). Pour que l’on soit en présence d’une violation des règles relatives à la concurrence déloyale, il faut que le concurrent utilise une prestation d’autrui d’une manière qui ne soit pas conciliable avec les règles de la bonne foi dans les affaires. En vertu du principe de la liberté d’imitation, en l’absence de protection découlant des droits de propriété intellectuelle, il ne suffit pas que les marchandises puissent être confondues ensuite de l’imitation pour que le comportement soit déloyal. Il faut au contraire qu’à l’imitation s’ajoutent d’autres circonstances faisant apparaître le comportement de l’imitateur comme déloyal. Un imitateur agit de manière déloyale au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD en particulier s’il prend des mesures de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui, en imitant la forme d’une marchandise dépourvue de force distinctive, alors qu’il aurait pu lui donner une autre forme sans modification de la construction technique et sans que cela ne porte atteinte à la destination du produit (c. IV.a). Le principe de la liberté de copie ne justifie pas que le consommateur soit induit en erreur de manière évitable sur la provenance d’une marchandise ou que l’imitateur exploite de façon parasitaire la bonne renommée d’autrui; l’imitateur doit prendre, dans les limites raisonnables, les mesures propres à écarter ou à diminuer le risque de confusion du public sur la provenance du produit (c. IV.a). Comme, lorsqu’une forme est techniquement nécessaire, l’imitation de celle-ci n’est pas déterminante pour juger de l’existence d’un risque de confusion et que les requérantes n’ont pas fait valoir que les intimés auraient adopté une autre attitude constitutive d’un comportement déloyal au sens de la LCD, la reprise de la forme double tronconique et conique de leurs capsules n’apparaît pas déloyale (c. IV.b). La requête de mesures provisionnelles est donc rejetée. [NT]