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26 février 2008

TAF, 26 février 2008, B-1759/2007 (d)

sic! 11/2008, p. 809 (rés.), « Pirates of the Caribbean » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, anglais, pirate, Caraïbes, histoire, titre, contenu immatériel, support audiovisuel, imprimé, livre, produit en papier, classification de Nice, signe déposé, force distinctive, besoin de libre disposition, signe alternatif, imposition comme marque, égalité de traitement, décision étrangère ; art. 1 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 11 al. 2 OPM.

Lorsqu'un produit ou un service tire sa valeur économique essentiellement de son contenu immatériel, la signification d'un signe doit être mise en relation non seulement avec le produit ou le service lui-même, mais également avec son contenu immatériel (c. 3). N'est pas tranchée de manière claire par la jurisprudence et la doctrine la question de savoir à quelles conditions un titre (d'œuvre) est descriptif (art. 2 lit. a LPM) du contenu thématique d'imprimés ou de supports audiovisuels (c. 3.1-3.3). Comme c'est le cas de manière générale, il convient de se référer au signe tel qu'il a été déposé et non pas au signe tel qu'il est utilisé par le déposant ou tel que le déposant projette de l'utiliser (c. 3.4). Du fait que tout signe est en principe susceptible de décrire le contenu thématique d'un produit ou service, l'art. 2 lit. a LPM ne doit pas être appliqué de manière trop stricte, faute de quoi il serait impossible d'enregistrer une marque destinée à un produit ou service tirant sa valeur économique essentiellement de son contenu immatériel (c. 3.4). Même s'ils contiennent des éléments descriptifs d'un contenu immatériel, de nombreux titres d'œuvres sont dotés d'une force distinctive au sens de l'art. 1 LPM (c. 3.5). La classification de Nice (art. 11 al. 2 OPM) ne se référant qu'aux caractéristiques matérielles des produits ou services, l'enregistrement d'une marque destinée à un produit ou service tirant sa valeur économique de son contenu immatériel ne saurait être soumis à des conditions trop strictes (c. 3.6). Étant donné que le signe « PIRATES OF THE CARIBBEAN » est frappé d’un besoin de libre disposition (c. 4-7), la question de savoir si ce signe est doté d’une force distinctive suffisante peut rester ouverte (c. 3.7). Un signe ne peut être enregistré pour un produit ou service tirant sa valeur économique de son contenu immatériel que s’il existe, pour les concurrents, des signes alternatifs (c. 4). En l’espèce, les « disques acoustiques ; DVD; CD-ROM ; films cinématographiques ; dessins animés » (classe 9) et les « produits à l’imprimerie ; photographies ; matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils) ; affiches ; cartes postales ; journaux ; magazines ; livres ; calendriers » (classe 16) tirent leur valeur économique de leur contenu immatériel ; tel n’est en revanche pas le cas des « produits en papier, compris dans cette classe [16] » (c. 5). Le signe « PIRATES OF THE CARIBBEAN » – qui est compris en Suisse (c. 6) – se réfère directement à un thème historique pour lequel (vu les nombreuses publications à ce sujet) les concurrents de la recourante ont un intérêt (c. 4 et 7). Le signe « PIRATES OF THE CARIBBEAN », dont il existe trop peu de variantes, est dès lors frappé d’un besoin de libre disposition en lien avec les produits revendiqués (classes 9 et 16), à l’exception des « produits en papier, compris dans cette classe [16] » (c. 5 et 7). La recourante ayant expressément renoncé à l’enregistrement du signe « PIRATES OF THE CARIBBEAN » comme marque imposée, il n’y a pas à examiner si ce signe est connu (c. 8). L’égalité de traitement ne peut pas être invoquée en lien avec des marques enregistrées qui ne se réfèrent pas à un thème historique précis (c. 9). Enfin, les décisions d’autorités étrangères ne peuvent pas être prises en considération, car elles reposent sur des conditions juridiques qui ne sont pas sans autre comparables aux conditions posées par le système suisse (c. 10).

09 juin 2008

TAF, 9 juin 2008, B-958/2007 (d)

ATAF 2009/4 ; « Post » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, poste, programme d’ordinateur, imprimé, jeux, papeterie, timbre, publicité, finance, télécommunication, transport, significations multiples, besoin de libre disposition absolu, signe alternatif, imposition comme marque, sondage ; art. 2 lit. a LPM.

Cf. N 113 (arrêt du TF dans cette affaire).

06 juillet 2009

TAF, 6 juillet 2009, B-3812/2008 (f)

« RADIO SUISSE ROMANDE » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, Radio suisse romande, radio, Suisse romande, services, télécommunication, divertissement, nom géographique, indication de provenance, besoin de libre disposition absolu, signe alternatif, imposition comme marque, Internet, presse, sondage, marque imposée ; art. 2 lit. a LPM.

Cf. N 143 (arrêt du TF dans cette affaire).

26 mai 2011

TAF, 26 mai 2011, B-3550/2009 (d)

sic! 11/2011, p. 672 (rés.), « Farmer » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, anglais, farmer, boissons, provenance commerciale, imposition comme marque, signe alternatif, besoin de libre disposition absolu, valeur litigieuse ; art. 1 al. 1 LPM, art. 2 lit. a LPM.

Font partie du domaine public d’une part les signes qui doivent demeurer à la libre disposition des acteurs économiques et d’autre part ceux qui ne bénéficient pas d’une force distinctive suffisante pour individualiser les produits ou les services du titulaire de la marque (c. 2.5). Le terme « farmer » présente des analogies importantes avec les mots « fermier », « paysan » ou « cultivateur » aussi bien en langue française qu’en langue allemande dans laquelle il est utilisé tel quel. Il est donc compris par le consommateur suisse moyen (c. 3.3.1). Le terme « farmer » en lien avec des boissons de différents types ne fait pas référence à une entreprise qui serait à l’origine de ces produits, mais décrit la provenance des composants utilisés pour fabriquer les boissons. Il suffit que le consommateur fasse cette association pour que le mot ait un caractère descriptif (c. 3.5.3). Le terme « farmer » compris par le consommateur suisse comme « fermier » peut ainsi éveiller des attentes, parfois même injustifiées, dans le sens qu’il désignerait des produits qui ont été fabriqués par des paysans et par conséquent qui sont plus naturels, respectivement moins élaborés et comportent peu d’éléments ajoutés. La marque « FARMER » peut ainsi être comprise comme une indication dissimulée de qualité (c. 3.6). En plus, la marque « FARMER » est descriptive et dépourvue de force distinctive pour les produits qu’elle désigne (c. 3.7). Les signes appartenant au domaine public peuvent constituer des marques valables s’ils se sont imposés comme tels dans le public et qu’il n’existe pas les concernant de besoin de libre disposition absolu (c. 4.1.1). Plusieurs alternatives sont données au terme « farmer » de sorte que celui-ci n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition absolu (c. 4.1.3). L’imposition d’un signe dans le commerce est admise lorsque ce signe est perçu par un nombre important de ses destinataires comme indiquant la provenance d’une entreprise déterminée (c. 4.2.1). Une imposition purement locale ne suffit pas et l’imposition par l’usage ne peut être retenue que lorsqu’elle se vérifie sur l’ensemble du territoire suisse (c. 4.2.1). Les conditions mises à l’admission du caractère imposé d’une marque sont d’autant plus hautes que le signe est banal, faible ou frappé d’un besoin de libre disposition (c. 4.2.1). Du point de vue temporel, une imposition par l’usage peut, dans des cas particuliers, être admise en dépit d’une utilisation sur une période inférieure à 10 ans, si la preuve est rapportée d’un usage intensif de la marque (c. 4.3.4). En l’espèce, l’imposition par l’usage n’est pas suffisamment démontrée, en particulier parce qu’il s’agit d’une marque très faible à l’origine qui nécessite une utilisation plus importante dans le commerce pour s’imposer (c. 4.3.4). L’usage n’est pas établi à satisfaction, concernant la Suisse romande et la Suisse italienne, et la preuve n’est pas non plus rapportée d’un usage particulièrement intensif pendant la courte durée (3 ans) pendant laquelle la marque a été utilisée en relation avec des boissons (c. 4.3.4). L’estimation de la valeur litigieuse dans le cadre de la procédure d’enregistrement d’une marque peut être arrêtée entre 50 000 et 100 000 francs lorsqu’il s’agit de signes de peu d’importance (c. 6.1).

28 juin 2011

TF, 28 juin 2011, 4A_178/2011 (d) (mes. prov.)

ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso » ; motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, signe tridimensionnel, capsule, café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, Lego, expertise, expertise sommaire, preuve, mesures provisionnelles, procédure sommaire, décision incidente, arbitraire, droit d’être entendu, droit des brevets d’invention ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. b LPM, art. 254 CPC.

En vertu de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF, le recours au TF contre des décisions incidentes n'est ouvert que si elles peuvent causer un préjudice de nature juridique difficilement réparable que même un jugement en faveur du recourant ne pourrait supprimer par la suite. Le recourant qui s'élève contre une décision de mesures provisionnelles doit désormais indiquer dans la motivation de son recours en quoi il est menacé dans le cas concret par un dommage de nature juridique difficilement réparable (c. 1.1). Dans le cadre de l'examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme enregistrée comme marque, la limitation du cercle des formes alternatives possibles aux capsules de café compatibles avec les machines « Nespresso » actuellement disponibles sur le marché résiste au grief d'arbitraire, même si le TF s'est jusqu'à présent refusé (en particulier dans sa jurisprudence Lego) à admettre le caractère techniquement nécessaire d'une forme uniquement en vertu de sa compatibilité avec un autre système préexistant (c. 2.2). Selon la jurisprudence du TF, une forme est techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM lorsque à peu près aucune forme alternative n'est à disposition des concurrents pour un produit de nature (technique) correspondante ou que le recours à cette forme alternative ne peut pas être exigé d'eux dans l'intérêt du bon fonctionnement de la concurrence parce qu'elle serait moins pratique, moins solide ou que sa réalisation s'accompagnerait de coûts de production plus élevés. Le fait de demander qu'une expertise sommaire soit ordonnée pour démontrer qu'il existe des formes de capsules alternatives utilisables dans les machines « Nespresso », qui soient aussi pratiques et solides que les capsules « Nespresso » et qui ne coûtent pas plus cher à la production, ne saurait être interprété en défaveur de la partie à l'origine de la demande (c. 3.2.2). Il est inadmissible et contraire au droit d'être entendu de refuser un moyen de preuve portant sur la question controversée de la compatibilité de formes alternatives et de baser ensuite un jugement uniquement sur les allégations contestées de l'autre partie. L'autorité de première instance, qui ne dispose pas des compétences techniques nécessaires pour juger de l'importance technique de la forme conique des capsules de café, de même que de l'aptitude fonctionnelle des capsules d'une autre forme, n'aurait ainsi pas dû refuser l'expertise demandée qui était destinée à clarifier des questions techniques nécessaires à une compréhension indépendante de l'état de fait (c. 3.2.2). Lorsqu'il est nécessaire de répondre à des questions purement techniques qui sont déterminantes pour trancher le litige et que le juge ne dispose pas des connaissances professionnelles nécessaires pour le faire (que ce soit dans le domaine des brevets ou, comme en l'espèce, sur le plan de la fabrication des capsules de café), le recours à une expertise sommaire constitue un moyen de preuve admissible, même en procédure sommaire, en vertu en particulier de l'art. 254 al. 2 lit. b CPC (c. 3.2.2).

12 janvier 2011

TF, 12 janvier 2011, 4A_385/2010 (d)

ATF 137 III 77 ; sic! 4/2011, p. 236-240, « Hotel-Sterne » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, marque de garantie, étoile, croix, Suisse, hôtellerie, identité des produits ou services, force distinctive faible, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, qualité, imposition comme marque, besoin de libre disposition absolu, concurrents, signe alternatif, règlement de la marque, risque de confusion, concurrence déloyale ; art. 2 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 21 LPM.

Comme toute marque, une marque de garantie (art. 21 LPM) doit être dotée d’une force distinctive (c. 2.2). Même pour des marques de garantie (pour lesquelles les exigences en matière de force distinctive sont moins élevées [c. 2.3]), les (une à cinq) étoiles appartiennent au domaine public en lien avec des services d’hôtellerie et sont en tant que telles exclues de la protection par l’art. 2 lit. a LPM, car elles décrivent directement la qualité des services (c. 2.1-2.3). Il suffit, pour qu’une marque de garantie s’impose comme marque au sens de l’art. 2 lit. a in fine LPM, que le consommateur, même s’il n’en connaît pas nécessairement les membres, comprenne le signe comme une référence à un groupe (c. 3.1). Or, dans le domaine du classement des hôtels, les (une à cinq) étoiles sont frappées d’un besoin de libre disposition absolu – que les marques de garantie doivent également respecter (c. 3.3) – car les acteurs du marché sont largement dépendants de leur utilisation depuis des dizaines d’années (c. 3.2 et 3.4) ; même si des alternatives existent, elles sont bien moins populaires et ne peuvent pas être qualifiées d’équivalentes (c. 3.4) ; n’y change enfin rien le fait que, selon l’art. 21 al. 3 LPM, le titulaire doive autoriser l’usage de sa marque de garantie (figurative) pour des produits et/ou services conformes au règlement de la marque (c. 3.4). Bien que les marques de l’intimé portent sur des services identiques à ceux que revendiquent les marques du recourant, il n’y a pas de risque de confusion entre ces marques étant donné qu’elles se distinguent clairement sur le plan visuel et que les marques du recourant – constituées d’éléments appartenant au domaine public (étoile[s], croix suisse, mot « HOTEL » ; figurant d’ailleurs aussi dans les marques de l’intimé) – ne jouissent que d’un périmètre de protection réduit (c. 4.1-4.2). Le système de classement des hôtels mis sur pied par l’intimé se distingue suffisamment de celui du recourant et n’est donc pas déloyal au sens de la LCD (c. 5-5.2). La LCD ne permet pas de protéger un système de classement des hôtels basé sur des étoiles qui ne peut pas être protégé par la LPM (c. 5.1 in fine).

Fig. 132a – Hotel-Sterne (recourant)
Fig. 132a – Hotel-Sterne (recourant)
Fig. 132b – Hotel-Sterne (intimé)
Fig. 132b – Hotel-Sterne (intimé)

26 juin 2012

TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 (f) (mes. prov.)

sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II » ; motifs absolus d’exclusion, marque tridimensionnelle, signe tridimensionnel, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie, Media Markt, café, capsule de café, machine à café, mesures provisionnelles, décision incidente, préjudice irréparable, qualité pour agir du preneur de licence, forme techniquement nécessaire, signe alternatif, arbitraire, imposition comme marque, expertise sommaire, numerus clausus des droits de propriété intellectuelle ; art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 55 al. 4 LPM, art. 59 lit. d LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589- 593, « Nespresso »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310- 314, « Nespresso III »), N 662 (Handelsgericht SG, 21mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

La première Cour de droit civil du Tribunal fédéral est saisie d'un recours contre une décision sur mesures provisoires rendue par le juge délégué du Tribunal cantonal vaudois dans une cause opposant les sociétés Nestlé SA (ci-après: Nestlé) et Nestlé Nespresso SA (ci-après: Nespresso) à celles Ethical Coffee Compagnie SA et Ethical Coffee Companie (Swiss) SA (ci-après: ECC) et à Media Markt, qui ont commercialisé, dès septembre 2011, des capsules de café concurrentes de celles de Nespresso et compatibles avec les machines du même nom. Les sociétés ECC ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral pour arbitraire et violation du droit d'être entendu contre l'ordonnance du 11 novembre 2011 leur faisant interdiction en particulier d'offrir, de commercialiser, de distribuer des capsules de café dont la forme correspond à celle de la marque enregistrée par Nestlé. Une décision sur mesures provisionnelles est une décision incidente susceptible d'un recours au Tribunal fédéral uniquement si elle peut causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF (c. 1.1). Ce préjudice doit être de nature juridique et non de fait ou purement économique. Il doit en outre être irréparable, soit non susceptible d'être supprimé par une décision finale ultérieure (c. 1.2). Dans le cas d'espèce, comme les recourantes ne sont pas encore solidement implantées sur le marché et comme les mesures attaquées les empêchent de lancer leurs produits, le dommage qu'elles risquent de subir ne se limite pas à un seul préjudice financier (perte de certaines affaires déterminées) mais consiste en une entrave générale à leur développement économique par rapport à Nestlé et Nespresso avec lesquelles elles se trouvent en concurrence. Le dommage correspond ainsi à une perte de parts de marché qui n'est pas indemnisable ou réparable par l'octroi de dommages-intérêts, faute de pouvoir établir quel aurait été le développement économique auquel une partie aurait pu prétendre si elle avait pu lancer son produit sur le marché sans en être empêchée par les mesures provisoires ordonnées. À défaut de pouvoir établir leur dommage, il ne sera pas possible aux sociétés ECC d'en obtenir réparation (c. 1.3.1). Sauf stipulation contraire expresse du contrat de licence (art. 55 al. 4 LPM), le titulaire d'une marque enregistrée aussi bien que le preneur de licence exclusif peuvent agir tant en prévention ou en cessation du trouble (au sens de l'art. 55 al. 1 lit. a et b LPM), que requérir des mesures provisionnelles, notamment pour assurer à titre provisoire la prévention ou la cessation du trouble (art. 59 lit. d LPM) (c. 2.2). Dans leur opposition aux mesures provisionnelles, les sociétés ECC ont fait valoir le caractère techniquement nécessaire de la forme des capsules Nespresso. Le fait que l'IPI ait procédé à l'enregistrement de ces capsules comme marques de forme avec la mention qu'il s'agirait d'une marque imposée ne dispense pas le juge d'examiner la validité de la marque ainsi obtenue. L'imposition par l'usage ne permet de valider une marque que si le signe considéré appartenait au domaine public au sens de l'art. 2 lit. a LPM, mais pas s'il constituait une forme techniquement nécessaire ou la nature même du produit, selon l'art. 2 lit. b LPM (c. 2.3). Si une forme est techniquement nécessaire, sa protection est absolument exclue par l'art. 2 lit. b LPM sans qu'une imposition par l'usage n'entre en ligne de compte. À la différence des autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d'une forme constituant la nature même du produit ou techniquement nécessaire ne permet donc pas d'en obtenir la protection (c. 2.3). Une invention tombée dans le domaine public à l'échéance de la durée de protection du droit des brevets (le brevet européen déposé par Nestlé sur les capsules Nespresso a expiré le 4 mai 2012) ne saurait être monopolisée une seconde fois par son enregistrement comme marque de forme renouvelable indéfiniment. En l'absence de formes alternatives permettant la même utilisation, ou si une autre forme présente des inconvénients empêchant une concurrence efficace, la protection doit être refusée. Il ne s'agit pas uniquement de savoir s'il est possible de produire une capsule différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Pour qu'elle constitue une forme alternative, il faut encore qu'elle n'entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il faut donc déterminer si la ou les forme(s) de ces capsules compatibles se distingue(nt) suffisamment dans l'esprit du public acheteur de celle(s) de la capsule Nespresso pour éviter d'entrer dans sa sphère de protection au sens de l'art. 3 LPM (c. 2.3). Si la forme d'une capsule est techniquement nécessaire, les art. 2 et 3 LCD ne permettent pas d'interdire à un concurrent son utilisation, puisque toute concurrence deviendrait alors impossible et puisque la LCD ne saurait avoir pour effet d'accorder au produit litigieux une protection que la LPM lui refuse (c. 2.3). S'agissant d'une question technique controversée et décisive, le juge cantonal aurait dû demander une expertise sommaire à un technicien indépendant qui permette d'élucider, au moins sous l'angle de la vraisemblance, la question de savoir si la forme des capsules Nespresso est ou non techniquement nécessaire. La décision du juge, qui a préféré trancher sans procéder à l'administration de cette preuve et sans disposer d'aucun élément de preuve sérieux, est entachée d'arbitraire (art. 9 Cst.) et doit être annulée (c. 2.4). [NT]

03 juillet 2012

TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 (d)

sic! 12/2012, p. 811-813, « Lego IV (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, marque tridimensionnelle, signe tridimensionnel, forme géométrique simple, Lego, forme techniquement nécessaire, coûts de fabrication, signe alternatif, expertise, fardeau de la preuve, droit d’être entendu, compatibilité, secret de fabrication ou d’affaires ; art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 9 CC, art. 2 lit. b LPM.

Le Tribunal de commerce du canton de Zurich a confirmé la nullité des marques de forme de Lego sur la base d'un examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme tridimensionnelle, au sens de l'art. 2 lit. b LPM, effectué dans le cadre d'une expertise ordonnée par ce tribunal sur demande du Tribunal fédéral qui lui avait renvoyé la cause pour qu'il soit vérifié s'il existait des formes alternatives (tant compatibles qu'incompatibles avec les formes Lego), aussi pratiques, aussi solides et dont les coûts de production ne seraient pas plus élevés que ceux des formes contestées comme marques. Le Tribunal de commerce de Zurich a fondé son jugement sur la constatation des experts que chaque variante s'éloignant des formes géométriques de Lego conduisait à des coûts d'outillage supplémentaires, plus faibles pour les formes compatibles (11 à 30 %) et plus élevés pour celles qui ne l'étaient pas (29 à 54 %). L'expertise avait permis de poser qu'au vu de la durée de vie moyenne des outillages, les surcoûts de fabrication les plus bas oscillaient entre 1,326 et 4,927 % pour les formes compatibles et se montaient jusqu'à 50 % pour celles qui ne l'étaient pas. Lorsque dans son appréciation des preuves, le tribunal retient comme établi, sur la base d'une expertise obtenue à grands frais, que toutes les formes alternatives s'accompagnent de coûts de fabrication supérieurs à ceux des briques Lego et que, par conséquent, celles-ci doivent être considérées comme techniquement nécessaires au sens de l'art. 2 lit. b LPM, le principe de la répartition du fardeau de la preuve devient sans objet. Le grief de sa prétendue violation ne saurait donc être retenu (c. 2). Une forme doit être considérée comme techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM si les autres possibilités existantes ne peuvent pas être imposées aux concurrents du déposant parce qu'elles sont moins pratiques, moins solides, ou parce qu'elles s'accompagnent de coûts de production plus élevés (c. 3.1). Comme le monopole lié à l'obtention d'une marque de forme peut être illimité dans le temps, il faut que les formes alternatives à disposition des concurrents du déposant ne s'accompagnent d'aucun désavantage pour eux. Même un coût de production légèrement plus élevé constitue déjà un désavantage qui ne peut leur être imposé, en particulier en vertu du principe de l'égalité dans la concurrence. Ainsi, des coûts de production supplémentaires de 1,326 à 4,927 % suffisent pour que le recours à des formes alternatives ne puisse être rendu obligatoire aux concurrents des briques Lego (c. 3.2). Lorsqu'elle a été invitée à le faire par le tribunal qui mène la procédure, la partie qui invoque ses secrets d'affaires pour refuser de transmettre des informations techniques à l'expert chargé de la réalisation d'une expertise dans le cadre de l'administration des preuves, ne peut se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu si les indications qu'elle donne ensuite sur ces questions dans sa détermination sur les résultats de l'administration de preuves sont considérées comme contradictoires et inacceptables par le tribunal au regard du principe de la bonne foi, et si ce dernier renonce à ordonner une nouvelle expertise demandée à ce stade seulement de la procédure sur ces mêmes questions (c. 4.3.2). [NT]

21 mai 2013

HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 (d) (mes. prov.)

sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV » ; motifs absolus d’exclusion, motifs relatifs d’exclusion, marque tridimensionnelle, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, forme géométrique simple, imposition comme marque, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, sondage, café, capsule de café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, impression générale, expertise sommaire, similarité des signes, identité des produits ou services, dilution de la force distinctive ; art. 2 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’examen du caractère éventuellement techniquement nécessaire des capsules de café Nespresso doit intervenir en se limitant à la forme des seules autres capsules qui sont compatibles avec les machines Nespresso (c. 1). Le TF a rappelé dans sa jurisprudence Lego (cf. TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 [N 661], c. 3.2) qu’au vu du caractère potentiellement illimité dans le temps de l’enregistrement d’une marque de forme, il convenait de ne l’admettre que dans la mesure où les concurrents ne s’en trouvaient pas prétérités en raison de la présence d’une forme alternative de même valeur ; et que si le coût d’une telle forme alternative était plus élevé, même faiblement, le choix d’une autre forme ne pouvait leur être imposé (c. 4). Il résulte de l’expertise sommaire diligentée par le tribunal que la forme conique des capsules est techniquement évidente mais pas absolument obligatoire pour une optimisation du système (c. 5.aa) ; que leur forme varie chaque fois en fonction du matériau dans lequel ces capsules sont réalisées et qu’enfin une forme conique n’est pas techniquement nécessaire pour réaliser un « café normal » avec une machine Nespresso mais qu’elle s’impose par contre plus ou moins naturellement suivant le type de matériau dans lequel est réalisée cette capsule (c. 5.aa). L’expert a retenu enfin que pour ressortir la capsule de la machine, la forme conique n’est pas non plus absolument nécessaire, une forme cylindrique par exemple convenant également. Les formes qui constituent la nature même du produit, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique, sont exclues de l’enregistrement comme marques. C’est le cas lorsque la fonction du produit suppose pour le public qu’une telle forme lui soit donnée (c. 10.a). Dans le cas particulier, le public attend un produit qui lui permette de préparer un café avec une machine Nespresso, soit nécessairement une capsule. Il s’agit donc de vérifier si la marque enregistrée constitue la nature même d’une capsule de café pouvant fonctionner avec une machine Nespresso, ce que le tribunal n’admet pas en l’espèce, en particulier parce que les capsules Nespresso présentent des caractéristiques particulières qui les distinguent des autres formes possibles de capsules de café (c. 10.b) (cf. fig. 11d). Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été rendu vraisemblable que la présence d’un motif absolu au sens de l’art. 2 lit. b LPM exclurait la forme des capsules de café Nespresso d’un enregistrement comme marque (c. 11). Les capsules Denner présentent une certaine similitude avec la marque de forme des capsules Nespresso en particulier du point de vue de leur construction en forme de cône tronqué simple coiffé d’un élément supplémentaire (cf. fig. 11a). Ces formes sont ainsi semblables et enregistrées pour des produits identiques. Reste donc à déterminer si la similitude des formes des capsules et l’identité des produits génèrent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. La ressemblance dans la forme des produits est une condition de l’existence d’un risque de confusion, mais n’est pas forcément suffisante. Ce qui compte, c’est de savoir si, en raison de la ressemblance des capsules Denner, il est à craindre que de mauvaises attributions surviennent qui mettraient en danger la fonction individualisatrice des capsules Nespresso. De telles mauvaises attributions dépendent de la manière dont les consommateurs perçoivent les signes, dont ils les comprennent et dont ils s’en souviennent. La simple possibilité d’une confusion ne suffit pas, il est nécessaire que le consommateur moyen confonde les marques avec une certaine vraisemblance (c. 10.c.aa). Une étude démoscopique sur la base de laquelle 56,4% des suisses attribueraient la capsule Denner qui leur est montrée à Nestlé ou la confondraient avec une capsule Nespresso ne lie pas le tribunal si elle a été réalisée à un moment où, sur le marché, la capsule Denner n’était encore presque pas présente et donc inconnue du public, alors que les capsules Nespresso y occupaient une position dominante, et que la confusion a encore été augmentée par l’indication donnée aux personnes sondées que ces capsules étaient compatibles avec les machines Nespresso (c. 12.c et 12.c.bb-cc). L’existence d’un risque de confusion ne doit pas être déterminée sur la base d’une comparaison abstraite des formes, mais doit prendre en compte l’ensemble du contexte et des circonstances de la cause (c. 13). La forme géométrique de base cylindrique et pyramidale du cône tronqué de la marque de la demanderesse, qui se retrouve aussi dans pratiquement toutes les capsules de café disponibles sur le marché suisse, n’a pas été imposée par l’usage fait des capsules, avec cette conséquence que même ses éléments non protégeables pourraient être monopolisés par le titulaire de la marque. Le titulaire d’une marque qui peut être confondue avec une forme géométrique simple de base ne peut pas exiger que, de ce fait, les autres renoncent à utiliser une forme de base qui est en plus dans le cas particulier aussi, dans certains de ses éléments, évidente du point de vue de la technique (c. 13.b). Le cône tronqué avec son raccord techniquement nécessaire ne peut ainsi pas être monopolisé pour les capsules de café et n’est pas protégé par le droit des marques (c. 13.b.aa) (cf. fig. 11c). L’élément caractéristique de la marque de forme déposée par Nestlé est le « chapeau » de la capsule (cf. fig. 4, p. 765) et c’est à lui qu’une attention particulière doit être portée dans l’examen du risque de confusion, même si ce dernier doit intervenir en fonction de la marque dans son ensemble et pas se limiter à ce seul élément. Lorsque les capsules litigieuses sont examinées obliquement depuis le haut (« von schräg oben »), l’impression qui s’en dégage ne permet pas d’admettre la vraisemblance de l’existence d’un risque de confusion (c. 13.c). Les capsules Nespresso évoquent par leur forme noble, élégante et lisse l’exclusivité d’un produit de haute qualité. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans les capsules Denner dont les trous et les étagements ne sont pas esthétiques (« mit unästhetischen Löchern und Abstufungen ») (c. 13.d.bb). [NT]

Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11d – Formes alternatives
Fig. 11d – Formes alternatives