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  • Appréciation

26 janvier 2015

TF, 26 janvier 2015, 4A_552/2014 (d)

Marque combinée, action en constatation de la nullité d’une marque, action en remise du gain, action en dommage et intérêts, action en cessation, action en interdiction, action en fourniture de renseignements, décision intermédiaire, décision incidente, produits pornographiques, préservatif, valeur litigieuse, valeur litigieuse minimale, constatation des faits, arbitraire, arbitraire dans la constatation des faits, appréciation des preuves, administration des preuves, libre appréciation des preuves, fardeau de la preuve, déclaration incomplète, droit d’être entendu, grief irrecevable, interpellation du tribunal, interprétation d’un témoignage, témoin, for ; art. 29 al. 2 Cst., art. 30 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 92 al. 1 LTF, art. 95 LTF, art. 99 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 8 CC, art. 53 CPC, art. 56 CPC, art. 153 CPC, art. 154 CPC, art. 157 CPC, art. 172 CPC, art. 109 al. 2 LDIP, cf. N 415 (vol. 2007-2011 ; Kantonsgericht SZ, 17 août 2010, ZK 2008 19 ; sic! 2/2011, p. 108-110, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) » ; arrêt du tribunal cantonal schwyzois dans cette affaire) et N 900 (TF, 7 novembre 2013, 4A_224/2013 ; sic! 3/2014, p. 162-163, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) II »).

Un recours en matière civile interjeté contre une décision incidente portant sur la compétence du tribunal au sens de l’art. 92 al. 1 LTF est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) (c. 1.1). Le TF ne peut rectifier ou compléter la constatation des faits effectuée par l’autorité précédente que s’ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l’art. 95 LTF. De façon manifestement inexacte signifie arbitraire. Il faut en outre que la correction du vice soit décisive pour le sort de la procédure (art. 97 al. 1 LTF). La partie qui attaque les constatations de faits de l’autorité précédente doit démontrer clairement et de manière substantielle en quoi ces conditions sont remplies. Dans la mesure où elle désire compléter l’état de fait, cette partie doit démontrer, pièces à l’appui, qu’elle avait déjà allégué les faits relevants en question et proposé les moyens de preuves correspondants, conformément à la procédure devant l’autorité précédente. Des faits nouveaux et des preuves nouvelles ne peuvent être présentés que si la décision de l’autorité précédente en donne l’occasion au sens de l’art. 99 al. 1 LTF, ce qui doit être exposé précisément dans le recours (c. 1.3). La recourante qui qualifie de contradictoires et manifestement inexacts les propos tenus par les témoins au vu des exploits échangés dans la procédure cantonale et du comportement adopté dans cette procédure par le représentant de la partie adverse, et qui accessoirement remet en question la crédibilité du témoin, exerce des griefs de nature appellatoire concernant l’appréciation des preuves effectuée par l’autorité précédente, sur lesquels le TF n’entre pas en matière (c. 2.1.2). Du moment que, contrairement à ce que soutient la recourante, la déclaration du témoin n’était ni peu claire, ni contradictoire, ni non plus manifestement incomplète, il n’est pas non plus évident que le tribunal aurait dû, en application par analogie de l’art. 56 CPC, donner l’occasion au témoin, par des questions ciblées, de clarifier et de compléter sa déclaration (c. 2.2.2). L’autorité précédente a ainsi retenu, sans violer le droit fédéral, qu’il ne pouvait qu’être raisonnablement déduit du témoignage intervenu que le témoin confirmait avoir vu et acheté dans la filiale du canton de Schwyz un paquet de préservatifs du type de celui litigieux (c. 2.2.3). La recourante adresse des griefs purement appellatoires concernant le résultat de l’administration des preuves opérée par l’autorité précédente. Elle ne démontre pas qu’une offre de preuves qu’elle aurait proposée régulièrement et en temps utile aurait été refusée, ni non plus dans quelle mesure l’autorité précédente se serait considérée de manière inadmissible comme liée, dans son administration des preuves, par des règles de preuves formelles. La recourante méconnaît en particulier le fait que le principe de la libre appréciation des preuves de l’art. 157 CPC ne change rien au fait que le résultat de l’appréciation des preuves effectuée par l’autorité précédente lie le TF. L’art. 157 CPC n’a ainsi pas pour conséquence que l’appréciation des preuves en elle-même constituerait une question de droit soumise au libre examen du TF selon l’art. 95 CPC. L’art. 8 CC ne prescrit pas par quels moyens les faits doivent être clarifiés, ni comment le résultat de l’administration des preuves doit être apprécié. La recourante n’établit enfin pas lequel de ses arguments concrets aurait été omis par l’autorité précédente, de sorte qu’elle aurait été empêchée, en violation de son droit d’être entendue, de faire valoir son point de vue dans la procédure. Le TF confirme ainsi que l’autorité précédente a retenu, sans violation du droit fédéral, sa compétence à raison du lieu (c. 3.2). [NT]

15 décembre 2014

TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014 (d)

Frais et dépens, frais de procédure, mesures provisionnelles, décision finale, décision incidente, complètement de l’état de fait, rectification de l’état de fait, arbitraire dans la constatation des faits, répartition des frais de procédure, appréciation du juge, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 29 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. e LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 90 LTF, art. 93 LTF, art. 98 LTF, art. 105 LTF, art. 106 al. 2 LTF ; cf. N 930 (TFB, 12 mai 2014, S2013_003) et N 931 (TFB, 12 mai 2014, S2013_004).

Les décisions sur mesures provisionnelles ne sont considérées comme des décisions finales au sens de l’art. 90 LTF que lorsqu’elles relèvent d’une procédure autonome. Les mesures provisionnelles notifiées séparément pendant ou en dehors d’une procédure principale et qui ne sont accordées que pour la durée du procès ou à condition qu’une procédure au fond soit introduite constituent des décisions incidentes au sens de l’art. 93 LTF. Dans le cas d’espèce, la décision qui déclare la requête de mesures provisionnelles comme étant partiellement sans objet et devant partiellement être rejetée doit être considérée comme finale (c. 1.1). Dans les recours formés contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF) ; elle doit l’être avec précision (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant qui se prévaut d’une violation de l’art. 9 Cst. ne peut ainsi pas se contenter de simplement invoquer l’arbitraire. Une correction ou un complément de l’état de fait n’est possible que si l’instance précédente a violé des droits constitutionnels. Dans un tel cas, le recourant doit non seulement démontrer l’importance des faits en question pour l’issue de la procédure, mais également de quelle manière la constatation des faits telle qu’elle a été effectuée par l’instance précédente est contraire aux principes constitutionnels (c. 1.2). Dans les cas mentionnés à l’art. 107 CPC, le tribunal peut s’écarter des règles générales relatives à la répartition des frais de procédure et les répartir selon sa libre appréciation (c. 2.3.1 et 2.3.2). Le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst) vise d’une part à établir les faits, de l’autre à assurer que les parties puissent participer à la prise de la décision (c. 3.1). Le tribunal qui omet de prendre en considération la note de frais du conseil en brevet empêche la partie victime de cet oubli de faire valoir son point de vue relativement à la répartition des frais. Une telle omission constitue une violation de l’art. 29 al. 2 Cst., laquelle doit être corrigée. [DK]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

- Art. 9

LTF (RS 173.110)

- Art. 29

-- al. 1

- Art. 90

- Art. 93

- Art. 98

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 75

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 105

- Art. 74

-- al. 2 lit. e

27 mai 2015

TFB, 27 mai 2015, O2013_011 (d)

sic! 11/2015, p. 642-644, « Desogestrelum » ; cause devenue sans objet et radiée du rôle, action en constatation de la nullité d’un certificat complémentaire de protection, intérêt pour agir, répartition des frais de procédure, frais et dépens, appréciation du juge, frais inutiles, vraisemblance, chance de succès, durée de la procédure, durée résiduelle du certificat complémentaire de protection, expertise, nullité d’un certificat complémentaire de protection, gain de cause, contraceptif, Desogestrelum ; art. 1 al. 2 LBI, art. 140k al. 1 lit. e LBI, art. 107 al. 1 lit. e CPC.

La demanderesse a perdu tout intérêt juridique à agir, après que le certificat complémentaire de protection (CCP), visé par son action en constatation de nullité, a expiré en cours de procédure et que, suite à cela, la défenderesse a renoncé à tout dommage et intérêt (c. 3.2). Dans ces conditions, la demande est devenue sans objet et a été radiée du rôle (c. 4). Lorsque la procédure est devenue sans objet et que la loi n'en dispose pas autrement, le tribunal peut s'écarter des règles générales (art. 106 CPC) et répartir les frais selon sa libre appréciation (art. 107 al. 1 lit. e CPC). Le tribunal prend alors en considération quelle est la partie qui a pris l’initiative de l’action, quelle aurait été vraisemblablement l’issue de la procédure, quelle est la partie qui est à l’origine des motifs qui ont rendu la procédure sans objet et quelle est la partie qui a causé des frais inutiles (c. 5.1). Entre 2012 et 2014, les actions introduites devant le TFB en vue de constater la nullité de certificats complémentaires de protection ont duré 216, 224 et respectivement 413 jours. Dès lors, il ne peut être reproché à la demanderesse d’avoir causé des frais inutiles en introduisant une telle action plus de 20 mois avant l’expiration du certificat complémentaire de protection visé. Elle pouvait légitimement s’attendre à obtenir une décision avant ladite expiration (c. 5.4). Il ressort de l’expertise qui a été menée durant la procédure que le brevet sur lequel a été délivré le CCP n’était pas valable au sens de l’art. 1 al. 2 LBI (il découlait de manière évidente de l’état de la technique) et donc que le CCP n’était pas valable au sens de l’art. 140k al. 1 lit. e LBI (c. 5.5.6). Deux procédures parallèles en Allemagne et en France sont parvenues à la même conclusion (c. 5.5.7). La demanderesse aurait donc probablement obtenu entièrement gain de cause. En application de l’art. 107 al. 1 lit. e CPC, les frais sont entièrement à la charge de la défenderesse (c. 5.6). [AC]

19 janvier 2015

HG AG, 19 janvier 2015, HOR.2010.20 (d)

sic! 6/2015, p. 400-409, « Keytrader / Keytrade » (Dr. Anne Niedermann, Anmerkung) ; concurrence déloyale, nullité d’une marque, besoin de libre disposition, cercle des destinataires pertinent, imposition comme marque, sondage démoscopique, appréciation des preuves, moyens de preuve, preuve, expertise, force distinctive forte, champ de protection élargi, identité des produits et services, degré d’attention accru, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, banque, services financiers, courtiers en valeurs mobilières ; art. 3 al. 1 lit. d LCD ; cf. N 769 (vol. 2012-2013 ; TF, 12 juillet 2012, 4A_45/201 ; sic! 12/2012, p. 816-819, « Keytrade AG/ Keytrade Bank SA » (Marbach Eugen, Anmerkung) et N 811 (TF, 27 juin2014, 4A_38/2014 ; sic! 10/2014, p. 624-632, « Keytrader »).

Lorsque l’enregistrement d’un signe est nul au sens du droit des marques, mais qu’il n’y a pas de besoin de libre disposition le concernant, une protection dudit signe par le droit de la concurrence déloyale n’est pas exclue (c. 8.1). En matière de concurrence déloyale, le cercle des destinataires pertinent se détermine en considérant avant tout la présentation réelle des produits sur le marché (marketing). Selon la présentation effective sur le marché des services proposés et en considérant les circonstances concrètes du cas d’espèce, le cercle des destinataires pertinent est composé de banques, de courtiers en valeurs mobilières, de clients institutionnels, et potentiellement d'autres clients professionnels (c. 9.3.1). En matière de concurrence déloyale, un signe descriptif peut également s’imposer par l’usage. La cible marketing d’un service peut évoluer avec le temps. Dans ce cas, le cercle des destinataires pertinent n’est plus celui visé originairement, mais celui qui est effectivement visé au moment de la décision (c. 9.4.1). Dans les procédures d’opposition en matière de marque, le TAF reconnait aux sondages démoscopiques privés une force probante équivalente ou seulement légèrement moindre à celle des expertises judiciaires. La force probante d’une expertise privée ne peut être niée que si le juge dispose d’indices concrets mettant en doute la fiabilité de l’expertise privée (c. 9.4.4). La définition de la personne compétente (appelée à répondre au sondage) et la manière de la déterminer ne ressortent pas clairement du sondage démoscopique. Cela réduit quelque peu la valeur probante de l’étude, sans pour autant en invalider totalement les résultats. Ce d’autant plus que le sondage comporte une question concernant la fonction occupée par la personne qui répond à l’étude. Cette question permet de vérifier que les répondants correspondent bien au cercle des destinataires pertinent (c. 9.4.6.2 § 1). Le fait que le sondage ne soit pas exhaustif en ce qui concerne le cercle des destinataires pertinent interrogé ne le rend pas inexploitable. Certains destinataires n’ont pas été ciblés immédiatement dès la mise sur le marché du service ou ne constituent qu’une parte limitée des destinataires (c. 9.4.6.2 § 2). Compte tenu du cercle des destinataires limité, de la taille et de la notoriété de la demanderesse (UBS) dans sa branche, il est inévitable qu’un certain nombre de répondants soient ou furent clients des services offerts sous le signe « Keytrader ». Cela ne diminue pas la valeur probante du sondage (c. 9.4.6.2 § 4). Il est admis qu’un signe s’est imposé par l’usage lorsque son degré de notoriété dépasse 50 % des répondants, comme c’est le cas en l’espèce (c. 9.4.6.6). Le signe « Keytrader » a acquis une force distinctive par l’usage (c. 9.6). Les services revendiqués par les parties sont partiellement identiques (c. 10.5). Considérant que le signe « Keytrader » bénéficie d’une force distinctive forte et d’un champ de protection élargi; que les destinataires font preuve d’un degré d’attention accru; que les services proposés sont partiellement identiques; que les éléments ajoutés au signe « Keytrader » sont faibles; un risque de confusion indirect – voir un risque de confusion direct – au sens du droit de la concurrence déloyale ne peut pas être exclu. Le recours est admis (c. 11.2). [AC]

25 mai 2016

TF, 25 mai 2016, 4A_44/2016 (d)

Design, sauna, recours en matière civile, originalité, fardeau de la preuve, répartition des frais de justice, présomption de la nouveauté du design, présomption de l’originalité du design, arbitraire, appréciation des preuves, milieux spécialisés, élément caractéristique essentiel, maxime des débats, fardeau de l’allégation, production de pièces ; art. 2 LDes, art. 8 LDes, art. 21 LDes, art. 55 al. 1 CPC, art. 106 CPC.

Il n’est pas contraire au principe de la maxime des débats de considérer comme une allégation suffisante au sens de l’art. 55 al. 1 CPC de l’absence d’originalité des designs considérés, la référence à une précédente procédure dans le cadre de laquelle des documents illustrant des supports métalliques de cadres de lits de sauna ont été produits. Il s’agit d’une allégation suffisante du fait que les supports métalliques semblant traverser les cadres de lits de sauna que la recourante a enregistrés comme designs étaient connus des milieux spécialisés du secteur concerné en Suisse déjà avant le dépôt de leur demande d’enregistrement. Le renvoi aux preuves déposées dans le cadre de cette précédente procédure (avec une référence à ses pièces littérales numérotées en particulier) satisfait également à l’exigence de produire les preuves se rapportant aux faits allégués selon l’art. 55 al. 1 CPC (c. 2.2.1). Il n’y a pas d’arbitraire à considérer qu’une illustration produite dans le cadre d’une procédure antérieure a été publiée avant le dépôt des demandes d’enregistrement des designs concernés et qu’elle a également été présentée dans le cadre de cette procédure précédente comme preuve des réalisations déjà disponibles sur le marché et offertes aux consommateurs à ce moment-là (c. 2.2.3). Un design n’est pas original si, par l’impression d’ensemble qu’il dégage, il se distingue uniquement par des caractéristiques mineures d’un autre design qui pouvait être connu des milieux spécialisés du secteur concerné en Suisse (art. 2 al. 3 LDes). La protection d’un design est conditionné au fait que ce dernier soit nouveau et original selon l’art. 2 al. 1 LDes. Tel est le cas lorsque l’impression générale dégagée par la forme considérée se différencie de manière déterminante de celle des produits préexistants du point de vue d’une personne directement intéressée par l’achat de ce type de produits. Les éléments caractéristiques essentiels sont déterminants dans la comparaison des réalisations concernées. Si ces éléments caractéristiques essentiels concordent, l’acquéreur potentiel des produits comparés les considérera comme équivalents tant du point de vue de leur design que de celui de leurs éléments techniquement nécessaires. Un acquéreur potentiel n’est pas attentif aux petites différences de détail, mais les particularités dans la réalisation devraient le frapper et à la rigueur déterminer sa décision d’acheter. Ces critères de jugement permettent de déterminer tant l’étendue du champ de protection au sens de l’art. 8 LDes que si l’exigence d’originalité est satisfaite (c. 2.3.3). En l’espèce, le caractère apparemment traversant des appuis métalliques des cadres de lits de sauna examinés a été considéré à juste titre comme déterminant par l’autorité de première instance. Des différences de détail sur la réalisation concrète des supports de section quadrangulaire plutôt que circulaire, de même que la couleur et le choix des matériaux constituent des caractéristiques mineures qui ne frappent pas l’acquéreur potentiel (c. 2.3.4). Les designs enregistrés ne présentent ainsi pas l’originalité suffisante pour être protégés (c. 2.3.5). Le recours est rejeté. [NT]