Mot-clé

  • Secret

03 juillet 2012

TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 (d)

sic! 12/2012, p. 811-813, « Lego IV (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, marque tridimensionnelle, signe tridimensionnel, forme géométrique simple, Lego, forme techniquement nécessaire, coûts de fabrication, signe alternatif, expertise, fardeau de la preuve, droit d’être entendu, compatibilité, secret de fabrication ou d’affaires ; art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 9 CC, art. 2 lit. b LPM.

Le Tribunal de commerce du canton de Zurich a confirmé la nullité des marques de forme de Lego sur la base d'un examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme tridimensionnelle, au sens de l'art. 2 lit. b LPM, effectué dans le cadre d'une expertise ordonnée par ce tribunal sur demande du Tribunal fédéral qui lui avait renvoyé la cause pour qu'il soit vérifié s'il existait des formes alternatives (tant compatibles qu'incompatibles avec les formes Lego), aussi pratiques, aussi solides et dont les coûts de production ne seraient pas plus élevés que ceux des formes contestées comme marques. Le Tribunal de commerce de Zurich a fondé son jugement sur la constatation des experts que chaque variante s'éloignant des formes géométriques de Lego conduisait à des coûts d'outillage supplémentaires, plus faibles pour les formes compatibles (11 à 30 %) et plus élevés pour celles qui ne l'étaient pas (29 à 54 %). L'expertise avait permis de poser qu'au vu de la durée de vie moyenne des outillages, les surcoûts de fabrication les plus bas oscillaient entre 1,326 et 4,927 % pour les formes compatibles et se montaient jusqu'à 50 % pour celles qui ne l'étaient pas. Lorsque dans son appréciation des preuves, le tribunal retient comme établi, sur la base d'une expertise obtenue à grands frais, que toutes les formes alternatives s'accompagnent de coûts de fabrication supérieurs à ceux des briques Lego et que, par conséquent, celles-ci doivent être considérées comme techniquement nécessaires au sens de l'art. 2 lit. b LPM, le principe de la répartition du fardeau de la preuve devient sans objet. Le grief de sa prétendue violation ne saurait donc être retenu (c. 2). Une forme doit être considérée comme techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM si les autres possibilités existantes ne peuvent pas être imposées aux concurrents du déposant parce qu'elles sont moins pratiques, moins solides, ou parce qu'elles s'accompagnent de coûts de production plus élevés (c. 3.1). Comme le monopole lié à l'obtention d'une marque de forme peut être illimité dans le temps, il faut que les formes alternatives à disposition des concurrents du déposant ne s'accompagnent d'aucun désavantage pour eux. Même un coût de production légèrement plus élevé constitue déjà un désavantage qui ne peut leur être imposé, en particulier en vertu du principe de l'égalité dans la concurrence. Ainsi, des coûts de production supplémentaires de 1,326 à 4,927 % suffisent pour que le recours à des formes alternatives ne puisse être rendu obligatoire aux concurrents des briques Lego (c. 3.2). Lorsqu'elle a été invitée à le faire par le tribunal qui mène la procédure, la partie qui invoque ses secrets d'affaires pour refuser de transmettre des informations techniques à l'expert chargé de la réalisation d'une expertise dans le cadre de l'administration des preuves, ne peut se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu si les indications qu'elle donne ensuite sur ces questions dans sa détermination sur les résultats de l'administration de preuves sont considérées comme contradictoires et inacceptables par le tribunal au regard du principe de la bonne foi, et si ce dernier renonce à ordonner une nouvelle expertise demandée à ce stade seulement de la procédure sur ces mêmes questions (c. 4.3.2). [NT]

28 mars 2012

TFB, 28 mars 2012, O2012_010 (d)

sic! 9/2012, p. 566-569, « fixateur interne » ; droit à la délivrance du brevet, invention de service, fonction publique, université, base légale, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en cession du droit au brevet, secret de fabrication ou d’affaires, coinventeur, péremption, droit à la délivrance du brevet, usurpation, mauvaise foi ; art. 3 al. 1 CC, art. 8 CC, art. 332 CO, art. 3 LBI, art. 26 al. 1 lit. d LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 31 al. 1 LBI, art. 31 al. 2 LBI.

Il n'existait, en 1988 (moment de la réalisation de l'invention litigieuse), dans le canton de Berne, aucune règle de droit positif concernant les inventions de service réalisées au sein de la fonction publique, les bases légales correspondantes n'ayant été créées que dans le courant des années 1990. L'Université de Berne (respectivement le canton de Berne avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'Université de 1996 qui l'a dotée d'une certaine autonomie) n'a ainsi acquis aucun droit au brevet sur l'invention à la réalisation de laquelle un de ses professeurs, employé à plein temps, avait participé à l'époque, puisqu'il ne s'agissait pas d'une invention de service. Selon l'art. 29 al. 1 LBI, l'ayant droit peut agir en cession ou en constatation de la nullité d'un brevet si la demande de brevet a été déposée par une personne qui n'avait pas droit au brevet au sens de l'art. 3 LBI (c. 8.3). La demande en cession doit être introduite sous peine de péremption dans les deux ans à compter de la date officielle de la publication de l'exposé de l'invention (art. 31 al. 1 LBI), sauf si elle dirigée contre un défendeur de mauvaise foi (art. 31 al. 2 LBI). Le défendeur est de mauvaise foi s'il savait ou s'il aurait dû savoir en faisant preuve du soin nécessaire (art. 3 al. 2 CC) qu'il n'était pas le seul ayant droit au brevet. Le déposant est de mauvaise foi s'il a pris connaissance de l'invention d'une manière contraire au droit, par exemple en surprenant des secrets de fabrication ou en incitant des tiers à violer un contrat ou en utilisant de manière indue des informations qui lui avaient été confiées. La bonne foi n'est pas non plus donnée lorsque le déposant savait ou aurait dû admettre, d'après les circonstances, que l'inventeur s'apprêtait à déposer une demande de brevet sur l'invention (c. 9.1). Tel n'était pas le cas en l'espèce puisque le coinventeur, administrateur de la société qui a déposé le brevet, avait pris licitement connaissance de l'invention dans le cadre de sa collaboration avec le professeur de l'Université de Berne pour la réaliser. Comme la bonne foi est présumée en vertu de l'art. 3 al. 1 CC, c'est à celui qui agit en cession du brevet après le délai de deux ans de l'art. 31 al. 1 LBI d'établir la mauvaise foi du déposant (c. 9.2). In casu, le TFB expose, après s'être livré à un examen attentif de l'état des pratiques au sein des différentes hautes écoles suisses dans les années 1980, qu'il ne pouvait pas être généralement admis que les hautes écoles entendaient être investies des droits de propriété intellectuelle sur les inventions de leurs employés au moment où l'invention considérée a été effectuée, et que tel n'était en tout cas pas la pratique de l'Université de Berne. Par conséquent, la mauvaise foi du déposant n'a pas été retenue, même s'il savait que l'employé de la haute école y travaillait à plein temps au moment de sa participation à la réalisation de l'invention et qu'il avait eu recours à l'infrastructure de l'Université de Berne pour le faire. L'art. 26 al. 1 lit. b LBI ne pose pas les mêmes exigences de mauvaise foi et de délai pour agir que l'art. 31 LBI. Toutefois, l'action en constatation de la nullité du brevet prévue par l'art. 26 al. 1 lit. d LBI suppose que le demandeur soit l'unique ayant droit à la délivrance du brevet. Tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, deux ou plusieurs inventeurs ont participé à la réalisation de l'invention (c. 11). [NT]

14 juin 2012

TFB, 14 juin 2012, S2012_007 (f) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, violation d'un brevet, description à des fins de renseignement, procédé de fabrication, description d'un procédé de fabrication, participation à la description, secret de fabrication ou d'affaires, secret professionnel ; art. 77 al. 1 lit. b ch. 1 LBI, art. 77 al. 3 LBI, art. 77 al. 5 LBI.

Si l'établissement de la description de procédés de fabrication litigieux nécessite la divulgation de secrets d'affaires, la sauvegarde de ces secrets n'est possible que s'il est interdit à la demanderesse de participer à l'établissement de la description. Il n'est en revanche pas nécessaire d'exclure l'avocat et le conseil en brevet de la demanderesse si, et à condition que ces représentants soient tenus de garder le secret à l'égard de la demanderesse sur l'ensemble des éléments qu'ils perçoivent lors de l'établissement de la description. Ce devoir de discrétion s'éteint pour les éléments effectivement contenus dans la description telle que communiquée par le tribunal à la demanderesse. Le devoir de discrétion subsiste pour tous les éléments qui ne sont pas contenus dans la description communiquée (c. 5). La description sera consignée sur place et devra être signée par la défenderesse. Le tribunal notifiera ensuite la description à la défenderesse en lui impartissant un délai pour indiquer, motifs à l'appui, les secrets d'affaires éventuellement contenus dans la description. Le tribunal décide dans quelle mesure la demanderesse doit être informée du résultat de la description (c. 7). [AC]

24 mai 2013

TFB, 24 mai 2013, S2013_005 (f) (mes. prov.)

sic! 12/2013, p. 772-773, « Déposition sur des substrats » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, description à des fins de renseignement, procédé de revêtement, description d’un procédé de fabrication, conditions de la protection du brevet, droit d’utilisation, vraisemblance, moyens de preuve nécessaires, rapport de recherche, audition, secret de fabrication ou d’affaires, interdiction de modifier un procédé de fabrication ; art. 68 LBI, art. 77 LBI, art. 265 CPC.

Le tribunal saisi d'une requête de mesures superprovisionnelles ne doit pas s'arrêter à la vraisemblance du danger, mais exiger aussi des pièces à l'appui de la demande. Appliqué à la validité d'un brevet suisse, ce principe signifie qu'un moyen de preuve est nécessaire pour faire valoir à titre superprovisionnel un droit attaché à un brevet. Un tel moyen de preuve peut, par exemple, prendre la forme d'un rapport de recherche avec ses annexes établi par un organe officiel pour le brevet suisse (c. 3). Dès lors que la validité du brevet litigieux est douteuse et que l'existence d'un droit d'utilisation par la défenderesse de l'invention brevetée ne peut être exclue, une mesure superprovisionnelle aussi intrusive qu'une description précise du procédé utilisé par la défenderesse ne saurait être ordonnée. Il ne doit pas être possible de recourir abusivement à une description précise selon l'art. 77 LBI à des fins de renseignement injustifié, notamment au regard de l'obligation de préserver les secrets de fabrication et d'affaires (art. 68 LBI) usuellement exposés lors de ce type de procédure (c. 4). Il semble néanmoins indiqué, afin de sauvegarder les intérêts légitimes des deux parties et selon le principe in maiore minus est, d'ordonner dans l'immédiat une mesure de conservation des preuves moins intrusive que la description précise requise par la demanderesse, soit d'interdire à la défenderesse, à titre superprovisionnel jusqu'au prononcé d'une décision différente par le TFB et sous la menace de sanctions pénales, de modifier le procédé de revêtement utilisé en cause (c. 5). [AC]

11 septembre 2014

TF, 11 septembre 2014, 4A_425/2014 (f)

sic! 12/2014, p. 787-788, « Caviardage de secrets d’affaires » ; décision incidente, action en constatation de la nullité d’une marque, action en dommages-intérêts, action en interdiction, secret d’affaires, recours en matière civile, moyens de preuve, droit de consulter le dossier, droit d’être entendu, préjudice irréparable ; art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 53 CPC, art. 156 CPC.

Le recours formé en l’espèce devant le TF a pour objet une décision incidente, rendue dans un procès civil en matière de droit des marques, par laquelle le Tribunal de commerce, instance cantonale unique, a admis que soient versés à la procédure des moyens de preuve produits par la demanderesse, mais en a, pour protéger les secrets d’affaires de celle-ci et de ses clients, limité la consultation par les défendeurs (c. 1.2). Pour qu’un recours immédiat soit ouvert contre une décision incidente, selon l’art. 93 al. 1 lit. a LTF, il faut que la décision rendue soit susceptible de causer un préjudice irréparable, soit un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant. Un dommage économique ou de pur fait n’est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue. Cette condition s’apprécie par rapport à la décision de première instance ; et si la question qui a fait l’objet de la décision incidente de première instance peut être soulevée à l’appui d’un recours contre la décision finale, il n’y a pas de préjudice irréparable. La décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu’il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d’obtenir l’administration de la preuve refusée à tort ou d’obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier. Dans des cas exceptionnels, il peut y avoir préjudice irréparable, par exemple lorsque le moyen de preuve refusé risque de disparaître ou qu’une partie est astreinte, sous la menace de l’amende au sens de l’art. 292 CP, à produire des pièces susceptibles de porter atteinte à ses secrets d’affaires ou à ceux de tiers, sans qu’un tribunal n’ait pris des mesures aptes à la protéger (c. 1.3.2). Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, la restriction à la consultation des pièces produites pourra être remise en cause dans un recours contre la décision finale au fond (c. 1.3.3). Le fait de devoir mener une procédure sur le fond pendant un ou deux ans, sur la base d’une connaissance limitée des pièces, ne constitue pas un préjudice irréparable, les frais qui pourraient en résulter et la longueur de la procédure n’étant que des préjudices de fait et non un préjudice juridique au sens de l’art. 93 al. 1 lit. a LTF (c. 1.3.4). Le recours est déclaré irrecevable. [NT]

30 août 2013

TFB, 30 août 2013, S2013_008 (d) (mes.prov.)

sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat » ; secret de fabrication ou d’affaires, Tribunal fédéral des brevets, mesures provisionnelles, violation d’un brevet, description à des fins de renseignements, procédé de fabrication, description d’un procédé de fabrication, participation à la description, avocat, conseils en brevets, devoir de discrétion, manchon ; art. 77 LBI, art. 158 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP; cf. N 755 (vol. 2012- 2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 932 (TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 ; sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II »).

Bien qu’il soit possible d’interdire à la demanderesse de participer à l’établissement de la description précise du procédé de fabrication de manchons si cette description implique la divulgation de secrets d’affaires, l’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent participer à l’établissement de la description. L’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent également recourir aux services d’un technicien indépendant si cela s’avère être nécessaire pour la description (c. 7-8). Le technicien est lui aussi soumis au devoir de discrétion. La description est directement faite sur place, imprimée, présentée à la défenderesse et à l’avocat de la demanderesse pour contrôle de son exactitude et de son intégralité ainsi que pour signature (c. 7). Comme l’énonce l’art. 77 al. 5 LBI, le tribunal envoie ensuite la description pour commentaire à la défenderesse. Celle-ci bénéfice d’un délai fixé par le tribunal pour indiquer d’éventuels secrets d’affaires figurant dans la description et qui ne doivent pas être divulgués à la demanderesse (c. 8). Le devoir de discrétion prend fin avec la notification de la description à la demanderesse, mais perdure pour les informations contenues dans la description et qui n’ont pas été communiquées à la demanderesse. La violation du devoir de discrétion est sanctionnée selon l’art. 292 CP (insoumission à une décision de l’autorité) par une amende (c. 7). [CB]

22 janvier 2015

TAF, 22 janvier 2015, A-1592 (d)

Action en fourniture de renseignement, droit d’accès, restriction au droit d’accès, principe de transparence, document officiel, données personnelles, données sensibles, données déjà accessibles, projet de recherche, demande de financement, partenaire de recherche, secret de fabrication ou d’affaires, conditions de la protection du brevet, base de données, ARAMIS, protection de la confiance, intérêt public, accès autorisé, recours admis ; art. 6 LTrans, art. 7 LTrans, art. 8 LTrans, art. 3 lit. c LPD, art. 3 lit. d LPD.

Le simple fait que des données générales sur les entreprises soient associées avec le titre du projet de recherche n’est pas particulièrement significatif, puisqu’il indique seulement que l’entreprise souhaiterait mener un projet de recherche (c. 5.4.3). Les entreprises ne gardent généralement pas secret le fait qu’elles ont des activités de recherche. Il n’est donc pas évident que l’autorisation d’accès au contenu de la liste révèlerait des secrets d’affaires ou de fabrication protégés ou empêcherait la brevetabilité ultérieure d’éventuelles inventions. Ce d’autant que ces listes sont vieilles de trois ans et donc que les projets qu’elles mentionnent sont soit abandonnés, soit réalisés. De plus, les entreprises candidates à un financement savaient que des données sur l’entreprise et le projet de recherche seraient publiées dans la base de données ARAMIS. L’accès à la liste en question ne mènerait donc pas l’autorité à décevoir la confiance que les postulants ont placée en elle. Par conséquent, les informations contenues dans cette liste ne constituent ni des données sensibles au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPD, ni un profil de personnalité au sens de l’art. 3 al. 1 1it. d LPD (c. 5.5.2). L’intérêt public à la transparence est supérieur aux autres intérêts privés et publics dans ce cas et l’accès aux documents doit être autorisé (c. 5.6). Concernant la deuxième liste relative au financement de projets datant de 2012-2013, toutes les informations qu’elle contient sont déjà accessibles sur la base de données ARAMIS. L’accès à cette liste ne peut donc constituer aucune atteinte à la brevetabilité ou à la nouveauté des éventuelles inventions découlant de ces projets (c. 6.4). L’intérêt à la transparence de l’action de l’État apparaît ici aussi prépondérant (c. 6.6). Le recours est admis; l’accès au deux listes doit être autorisé (c. 7). [AC]

16 décembre 2014

TF, 16 décembre 2014, 6B_56/2014 (d)

Secret de fabrication ou d’affaires, procédure pénale, administration des preuves, plainte pénale, délai, prescription, acte d’accusation, principe de l’accusation ; art. 31 CP, art. 162 al. 1 CP, art. 9 al. 1 CPP, art. 325 CPP, art. 329 al. 2 CPP, art. 343 CPP, art. 349 CPP, art. 350 al. 1 CPP, art. 353 al. 1 lit. c CPP, art. 355 al. 3 lit. a CPP, art. 356 al. 1 CPP.

Il résulte de l’interprétation historique de l’art. 329 al. 2 CPP, qu’un renvoi de l’accusation au Ministère public pour complément de preuve n’est que très exceptionnellement admissible. Il est du devoir du Tribunal d’administrer les éventuelles nouvelles preuves, de compléter celles qui auraient déjà été administrées de manière incomplète et de réitérer l’administration de celles qui ne l’auraient pas été correctement dans la procédure préliminaire au sens des art. 343 et 349 CPP (c. 1.6.2). L’art. 325 CPP mentionne de manière exhaustive les indications que doit comporter l’acte d’accusation. Cette disposition ne prescrit pas que l’acte d’accusation devrait également indiquer que les conditions à l’ouverture de l’action pénale sont remplies et qu’aucun empêchement d’ordre procédural n’est donné. C’est au tribunal qu’il incombe d’examiner quand la personne habilitée à déposer plainte pénale a eu connaissance de l’acte délictueux et de son auteur; quand donc le délai pour déposer plainte pénale de l’art. 31 CP a commencé à courir ; si une déclaration assimilable à une plainte pénale est intervenue dans le délai de 3 mois et si elle a été formée par une personne habilitée à le faire (c. 2.3). Une infraction ne peut faire l’objet d’un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent l’acte d’accusation dirigé contre une personne déterminée, sur la base de faits précisément décrits (art. 9 al. 1 CPP). Le tribunal est lié par l’état de fait décrit dans l’acte d’accusation, mais pas par l’appréciation juridique qu’en fait le Ministère public (art. 350 al. 1 CPP). Lorsque, comme dans le cas d’espèce, c’est l’ordonnance pénale rendue par le Ministère public qui tient lieu d’acte d’accusation (au sens des art. 355 al. 3 lit. a en lien avec l’art. 356 al. 1 2ème phrase CPP), son état de fait correspond aux faits qui sont imputés au prévenu par l’ordonnance pénale selon l’art. 353 al. 1 lit. c CPP. L’autorité précédente devait ainsi, selon le principe de l’accusation, juger des propos tenus par le recourant tels qu’ils ressortaient de l’ordonnance pénale. Elle n’avait pas à juger d’autres propos non relatés par l’acte d’accusation. Elle n’aurait donc pas dû juger également les informations données par le recourant et ressortant des courriels évoqués par ce dernier, mais non reproduites dans l’acte d’accusation et ne pouvant ainsi pas être retenues à sa charge (c. 6.2). Le jugement rendu contre le recourant ne respecte ainsi pas le principe de l’accusation et doit donc être levé (c. 6.3.3). Les conditions d’application de l’art. 162 CP ne sont remplies que si les informations transmises et qualifiées de secrets sont véridiques (c. 5.3.1). Cette disposition ne protège ainsi la confidentialité que des faits vrais (c. 5.3.2). Un fait qui n’est ni notoire, ni généralement accessible constitue un secret au sens de l’art. 162 CP. Une certaine confidentialité suffit. Un fait est généralement accessible lorsqu’il existe une haute probabilité que des tiers en aient pris connaissance sans avoir eu un gros obstacle à surmonter pour le faire. Une impossibilité d’accès absolue n’est pas exigée (c. 7.1). L’art. 162 CP ne protège pas seulement la confidentialité des faits absolument inconnus, mais aussi celle de ceux qui ne sont ni publics, ni généralement accessibles. Le fait qu’un expert n’ait dans le cadre de ses recherches rien trouvé sur les éléments concernés constitue une preuve suffisante que ces derniers n’étaient, au moment de leur communication à un tiers, ni publics, ni généralement accessibles (c. 7.2.7). Pour que l’art. 162 CP s’applique, il ne suffit pas que l’auteur de l’infraction concernée ait communiqué un fait se rapportant à un secret d’affaires ou de fabrication qui n’était ni public, ni généralement accessible. Il faut en plus que le détenteur du secret sur ce fait ait eu la volonté de le conserver secret et ait eu un intérêt justifié à le faire. Il convient en outre que la communication de ce fait soit de nature à influer sur la situation économique de son détenteur, et que le fait soit ainsi doté d’un certain impact économique (c. 8.1). Admission partielle du recours par le TF qui renvoie la cause à l’autorité précédente pour qu’elle détermine si les conditions de l’application de l’art. 162 CP, autres que celles concernant le caractère non généralement public des faits considérés, sont remplies en l’espèce. [NT]

CP (RS 311.0)

- Art. 31

- Art. 162

-- al. 1

CPP (RS 312.0)

- Art. 356

-- al. 1

- Art. 355

-- al. 3 lit. a

- Art. 353

-- al. 1 lit. c

- Art. 350

-- al. 1

- Art. 349

- Art. 343

- Art. 329

-- al. 2

- Art. 325

- Art. 9

-- al. 1

01 septembre 2011

TF, 1er septembre 2011, 4A_64/2011 et 4A_210/2011 (d)

sic! 1/2012, p. 52-53, « Klimaschränke II » ; secret de fabrication ou d’affaires, remise de documents, preuve, décision incidente, préjudice irréparable, récusation ; art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 68 al. 2 LBI.

Du fait que le juge en question avait signé l'accusé de réception du recours, il est tardif de n'invoquer qu'ultérieurement — dans le cadre d'un recours contre une décision incidente — un motif de récusation contre ce juge (c. 2.4-2.5). Peut causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF une décision incidente obligeant une partie à remettre à la partie adverse des documents contenant des secrets d'affaires (c. 3.1). Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la décision ne prévoit pas la remise de documents à la partie adverse, mais au tribunal (c. 3.3). Par ailleurs, en vertu de l'art. 68 al. 2 LBI, il n'est donné connaissance à la partie adverse des moyens de preuve propres à révéler des secrets de fabrication ou d'affaires que dans la mesure compatible avec leur sauvegarde (c. 3.3).

26 mai 2009

KG GL, 26 mai 2009, ZG.2007.00236 (d)

sic! 1/2010, p. 47-53, « Spritzgiesssysteme » ; concurrence déloyale, concurrence, exploitation d'une prestation d'autrui, plan, offre, machines, négligence, secret de fabrication ou d'affaires, droit international privé, droit applicable, territorialité, Suisse, qualité pour agir ; art. 41 CO, art. 2 LCD, art. 3 ss LCD, art. 5 LCD, art. 6 LCD, art. 9 al. 1 LCD, art. 136 al. 1 LDIP, art. 162 CP.

Selon l'art. 136 LDIP, les prétentions découlant de la LCD sont soumises au droit de l'État sur le marché duquel les actes déloyaux ont produit leurs effets, soit à l'endroit où le concurrent propose son offre, s'adresse à des destinataires et entre en concurrence avec des tiers. Les comportements du défendeur qui déploient leurs effets hors de Suisse n'entrent pas en considération. La qualité pour agir au sens de l'art. 9 LCD est donnée à celui qui est menacé ou atteint par des actes de concurrence déloyale dans sa clientèle, son crédit, sa considération professionnelle, son entreprise ou de quelque autre manière dans ses intérêts économiques. L'art. 9 al. 1 LCD n'exige pas que les protagonistes se trouvent dans un rapport de concurrence direct, mais la demanderesse doit être active sur le marché suisse pour que ses intérêts économiques puissent être touchés par le comportement d'une autre entreprise sur ce marché. La clause générale de l'art. 2 LCD permet de juger tout d'abord s'il existe un comportement susceptible d'influencer de manière générale la concurrence, puis si ce comportement a des effets sur une concurrence loyale et non faussée. Ce n'est qu'ensuite qu'il convient de vérifier si le comportement constitue un des cas particuliers des art. 3 à 8 LCD à la lumière desquels doit être déterminée la portée de la clause générale. Il n'y a acte de concurrence déloyale tombant sous le coup de l'art. 2 LCD que si les parties sont actives sur le même marché et que le comportement de l'une d'elles est de nature à influencer la concurrence. Les art. 5 lit. a et b LCD concernent les stades préalables à la fourniture d'un résultat de travail, comme les offres, les évaluations ou les plans, mais pas le résultat du travail lui-même, qui consiste en la matérialisation de ces documents préalables. Seuls les plans ou les offres se rapportant à une machine sont ainsi concernés par l'art. 5 lit. a et b LCD, à l'exclusion de la machine elle-même livrée ou du système installé. L'art. 5 lit. c LCD ne s'applique pas à celui qui ne fabrique pas lui-même une machine sur la base de résultats de travail prêts à être mis sur le marché, mais achète cette machine et ne reproduit donc pas le résultat du travail d'un tiers prêt à être mis sur le marché. La finalité de l'art. 5 LCD est ainsi de sanctionner des actes d'exploitation des plans et autres documents, mais pas la commercialisation de produits, marchandises ou machines en tant que tels. Celui qui exploite les plans d'un tiers en sachant, ou en devant savoir, qu'ils lui ont été remis ou rendus accessibles de manière indue s'expose aux sanctions de l'art. 5 lit. b LCD. Il suffit qu'il ait dû le savoir ou que son ignorance résulte d'une négligence grave. Ne commet un acte de concurrence déloyale au sens de l'art. 6 LCD que celui qui a pris connaissance de secrets d'affaires. Tel n'est pas forcément le cas lorsque de nouveaux plans ont été dessinés sur la base d'informations rendues publiques (manuels d'entreprises) par l'auteur des premiers plans.

29 mai 2009

OG BE, 29 mai 2009, APH 09 240 (d) (mes. prov.)

sic! 11/2010, p. 802-804, « Yachtcharter » ; concurrence déloyale, contrat de travail, prohibition de faire concurrence, secret de fabrication ou d'affaires, adresse, exploitation d'une prestation d'autrui, offre, mesures provisionnelles ; art. 2 LCD, art. 5 LCD, art. 6 LCD.

Un travailleur peut en principe utiliser librement les connaissances (en l'occurrence des adresses de clients) acquises (légalement) dans le cadre d'un contrat de travail (c. 3.1). Agit en revanche de façon déloyale (art. 2 LCD) l'ex-travailleur qui, malgré une prohibition de faire concurrence, utilise des connaissances acquises dans le cadre de son contrat de travail. Agit également de façon déloyale (art. 6 LCD) l'ex-travailleur qui, grâce à un mot de passe auquel il a eu accès pendant son contrat de travail, se procure des données secrètes dans le réseau informatique de son ex-employeur; la simple violation d'une prohibition de faire concurrence par un ex-travailleur n'est en revanche pas déloyale (c. 3.1). Des adresses de clients simplement reprises d'une liste disponible sur un site Internet ne constituent pas, au sens de l'art. 5 LCD, un résultat d'un travail, c'est-à-dire le fruit (exploitable comme tel) d'une activité intellectuelle ou matérielle (c. 3.2). En l'absence d'une prohibition de faire concurrence, le fait de faire des offres plus avantageuses aux clients de son ex-employeur n'est pas déloyal au sens de l'art. 2 LCD (c. 3.3).