15 juillet 2019

TF, 15 juillet 2019, 4A_136/2019 (d)

Motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, cercle des destinataires pertinents, consommateur final, français, anglais, vocabulaire de base anglais revelation, égalité de traitement, égalité dans l’illégalité, décision étrangère, coiffure, informatique, programme d’ordinateur, service de formation ; art. 8 Cst., art. 2 lit. a LPM.

Une société a tenté de faire enregistrer le signe REVELATION pour des préparations liées aux cheveux (classe 3), des logiciels (classe 9), des manuels d’utilisation (classe 16), la préparation et l’animation de séminaires d’éducation en matière de techniques de coiffure (classe 41) et d’autres services liés à la coiffure et à la beauté (classe 44). L’IPI a rejeté la demande d’enregistrement, au motif que le signe appartient au domaine public. Le TAF a rejeté le recours de la demanderesse. Comme le considèrent l’instance précédente et la recourante, le public pertinent se compose, pour les produits et services revendiqués, des consommateurs finaux, et plus particulièrement du grand public (c. 2.4.1). Il est certes vrai que le terme « REVELATION » peut être compris dans un sens religieux, et que ce sens peut avoir joué un rôle étymologiquement important. En outre, la révélation d’un secret n’a pas intrinsèquement un sens positif, comme en témoigne l’emploi du terme en français dans plusieurs dispositions telles, par exemple, les art. 162 al. 2, 320 ch. 1 al. 2 et 321 ch. 1 al. 3 CP, ou encore les art. 35 al. 3 LPD, 163 al. 1 lit. b et 166 al. 1 lit. b CPC. Cependant, en lien avec la désignation de produits et de services (à tout le moins de ceux dont il est question dans la présente cause), ce terme exprime généralement la satisfaction provoquée par un produit ou par un service, inattendue ou éventuellement attendue de longue date et considérée comme exceptionnelle. Dans ce contexte, le signe est perçu par le public comme une indication de qualité, même s’il n’est pas accompagné d’autres ajouts. Tel est le cas tant en français qu’en anglais. En français, le terme « révélation » désigne une personne ou une chose dont le public découvre soudainement les qualités exceptionnelles et qui se trouve portée à une grande notoriété. Dans le même sens, le terme anglais « revelation » est utilisé pour désigner une personne ou une chose d’une qualité surprenante et remarquable. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral considère que lorsqu’un mot a plusieurs significations possibles, il faut rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte des produits ou des services en cause. L’instance précédente n’a pas tranché la question de savoir si le terme « revelation » fait partie du vocabulaire anglais de base, qui était litigieuse devant l’IPI, mais elle considéré à raison que, en tous les cas, le public francophone voit le mot français « révélation » dans le signe « REVELATION », et peut reconnaître le terme anglophone « revelation », ainsi que son sens décrit ci-dessus, en raison de leur similitude visuelle. Dans la partie francophone du pays en tout cas, l’utilisation du signe « REVELATION » pour les produits et services revendiqués évoquerait chez une large partie de la population, spontanément et sans effort de réflexion particulier, un éloge publicitaire selon lequel les produits ou les services désignés seraient d’une qualité remarquable (c. 2.4.2). Le fait que le signe « REVELATION » ait été enregistré comme marque en France et dans l’Union européenne n’est pas décisif, car il ne s’agit pas en l’espèce d’un cas limite qui justifierait un enregistrement en cas de doute, ou la prise en compte de décisions d’enregistrement étrangères à titre d’indices. L’instance précédente n’a commis aucune violation de l’art. 2 lit. a LPM (c. 2.4.3). La recourante considère enfin que l’IPI a violé le principe de l’égalité de traitement de l’art. 8 al. 1 Cst. (c. 3). Elle allègue que le signe « REVELATION » aurait été admis à six reprises à l’enregistrement entre 1988 et 2013, notamment pour des produits de la classe 3 et pour des services informatiques de la classe 35, ces derniers étant selon elle comparables aux logiciels qu’elle revendique en classe 9. En tous les cas, si l’on admet que le sens élogieux du terme « révélation » est compréhensible quels que soient les produits ou services désignés, elle considère que l’IPI aurait dû rejeter toutes les demandes d’enregistrements qu’il a reçues. En n’excluant que son signe de la protection du droit des marques, il aurait violé le principe d’égalité de traitement (c. 3.1). Puisque le signe « REVELATION » appartient au domaine public, seul le principe d’égalité dans l’illégalité peut être invoqué en lien avec l’enregistrement d’autres signes. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, on ne peut prétendre à l’égalité dans l’illégalité que si l’autorité n’a pas respecté la loi selon une pratique constante et qu’il y a lieu de prévoir qu’elle persévérera dans cette pratique. Tel n’est pas le cas en l’espèce (c. 3.3). Le recours est rejeté (c. 4). [SR]