IV Droit des brevets d'invention

Conditions de la protection (art. 1 LBI)

08 mai 2018

TF, 8 mai 2018, 4A_541/2017 (d)

Activité inventive, non-évidence, approche « problème-solution », état de la technique, fardeau de la preuve ; art. 8 CC, art. 1 al. 2 LBI, art. 7 al. 2 LBI.

Selon l’art. 7 al. 2 LBI, l’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt ou de priorité par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. L’état de la technique constitue la base à partir de laquelle sont examinées les exigences tant de nouveauté que d’activité inventive. Les documents qui constituent l’état de la technique doivent être interprétés en fonction de la compréhension de l’homme du métier déterminant au moment du jour du dépôt de la demande de brevet ou de celui du droit de priorité. La lettre même d’un document n’est pas seule déterminante. Doivent également être prises en compte les solutions qui sont présentes dans l’état de la technique et que l’homme du métier peut déduire de manière évidente de ce qui a déjà été publié ; il convient de tenir compte du contenu tout entier d’un document imprimé. C’est en particulier la connaissance technique générale d’une équipe de professionnels de la branche qu’il convient de considérer, telle qu’elle est accessible dans les ouvrages de référence du domaine technique concerné. Des connaissances internes, comme par exemple des résultats de tests ou d’expériences, ne font par contre pas partie de l’état de la technique (c. 2.2). L’approche « problème-solution » est un procédé structuré d’examen de l’activité inventive qui est basé sur le fait que toute invention consiste en un problème (Aufgabe) technique et sa solution. Le problème objectif résolu par l’invention revendiquée est tout d’abord examiné en partant de cette invention par la détermination du (seul) document de l’état de la technique dont l’invention revendiquée est la plus proche. Cet état de la technique le plus proche est ensuite comparé à l’invention revendiquée et les différences structurelles ou fonctionnelles sont listées une à une, pour ensuite formuler sur cette base le problème technique objectif que l’invention revendiquée résout. Immédiatement ensuite, il est déterminé quels pas l’homme du métier déterminant aurait dû entreprendre à partir de l’état de la technique le plus proche pour apporter une solution au problème technique individualisé, et si le procédé a permis d’individualiser, comme état de la technique le plus proche, un seul document qui révèle une solution technique de manière si précise et complète qu’un homme du métier puisse l’exécuter (c. 2.2.1). Une solution technique est exécutable lorsque l’homme du métier dispose d’une indication si précise et complète que sur la base de celle-ci et de ses connaissances professionnelles il est à même d’atteindre la solution proposée par l’enseignement technique d’une manière sûre et répétable. Une invention n’est ainsi brevetable que lorsque la solution technique recherchée peut être atteinte avec certitude et pas seulement par hasard. Le fascicule du brevet doit décrire l’enseignement technique de façon suffisante et l’invention y être présentée de manière à ce que l’homme du métier puisse l’exécuter. Il s’agit là de conditions de validité du brevet (art. 26 al. 1 lit. b LBI). Les éléments techniques évidents dans le domaine n’ont pas à être exposés. Que le fascicule de brevet comporte des erreurs ou des lacunes ne compromet pas l’exécution de l’invention si l’homme du métier est en mesure de les identifier et de les surmonter sur la base de ses connaissances professionnelles générales sans avoir à fournir un effort qui ne puisse pas être attendu de lui. Cela vaut aussi lorsque les indications fournies sont si limitées que l’homme du métier doit prendre un certain temps pour réussir à réaliser l’invention, ou même trouver une solution qui lui soit propre. Une invention n’est toutefois pas exécutable pour l’homme du métier lorsque l’effort à fournir pour l’atteindre dépasse ce qui peut être attendu de lui ou exige qu’il fasse preuve d’activité inventive. La publication d’au moins un mode de réalisation en particulier est exigée et est suffisante, si elle permet l’exécution de l’invention dans l’ensemble du domaine revendiqué. Ce qui compte est le fait que l’homme du métier soit mis en situation de réaliser pour l’essentiel tous les modes d’exécution entrant dans le champ de protection des revendications (c. 2.2.2). Un enseignement technique ne consiste pas seulement en un problème mais aussi en sa solution. Si seul le problème est exposé, et pas sa solution, on n’est pas en présence d’un enseignement technique, sauf dans le cas exceptionnel où le fait de poser le problème découle d’une activité inventive. Lorsqu’une solution technique n’est pas expressément exposée, il faut apporter la preuve que l’homme du métier déterminant, le cas échéant une équipe de professionnels de la branche, aurait trouvé sur la base des indications figurant dans le document et de ses connaissances professionnelles générales, en fournissant un effort pouvant raisonnablement être attendu de lui, au moins une solution concrète au problème technique (c. 2.2.3). L’« exécutabilité » d’un document appartenant à l’état de la technique ne peut pas être présumée, en tout cas lorsque cet état de la technique n’est pas un fascicule de brevet mais la description d’expériences (c. 2.2.5). Un document qui ne décrit qu’un problème sans proposer de solution ne peut pas être considéré comme constituant l’état de la technique la plus proche, lorsque l’examen de l’activité inventive se base sur l’approche « problème-solution » (c. 2.3.2). Le recours est partiellement admis et la cause renvoyée au TFB. [NT]